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5 janvier 2008 6 05 /01 /janvier /2008 14:42

                La particularité du Haunter, au sein de son groupe d’élection : le Moody track, est son absence de sentimentalité. Ce qui le sépare du registre psychédélique/planant/stoner est la modicité de son orchestration, sa durée brève, et la couleur unique qui le commande : l’étrangeté. Le sentiment d’étrangeté doit être distingué de celui de l’extravagance d’une part, de celui du morbide d’autre part. Le sentiment d’étrangeté, au contraire des deux autres, ne procède pas d’un choix de comportement ou d’humeur, qui fait d’eux des fantaisies subjectives. L’étrangeté naît d’une marche imparfaite des choses et ne dépend pas d’un dessein. Elle est provoquée par un cours anormal des événements mais qui ne se laisse pas saisir immédiatement. Très souvent, l’étrangeté peine à être caractérisée dans ses parties, quoiqu’elle marque toujours et du premier coup celui qui la relève. Que les choses ne se déroulent pas selon le rythme ou l’intensité qui leur conviendrait, et l’Orgue du Fantôme anime les tuyaux de notre esprit. Il n’est pas nécessaire de décrire les moyens, très variés, très complexes, à l’œuvre dans tel Haunter, mais chaque fois, l’effet est identique : pouls ralenti, évanouissement des accords, interzone de l’atone et de l’horrible. On ne comprend pas ce qui relie l’atone et l’horrible. Ce type de disjonction criante ne satisfait bien sûr pas au tranchant logique du Psycho-Batave. Il ne s’agit pas d’Imminence. Nous ne savons pas qu’un danger nous guette, aussi nous ne devinons pas une force, une forme plus pleine et puissante que toute forme existante. L’Horrible ne constitue pas cet événement désiré, dans l’Imminence. L’Horrible est davantage l’intuition d’un oubli, d’une dissolution et d’un tombeau. Il ne se laisse pas définir en tant que Malheur, qui en ferait à nouveau quelque chose d’actif. Et seul l’Atone, par son renoncement aux affections du corps et de l’esprit, permet d’approcher l’Horrible. Or chaque Haunter ne laisse pas d’être un vecteur généreux d’images, et il a été établi ailleurs que ces images, pour la plupart, participent du fond de frayeurs, réunies par l’expérience coloniale britannique. Alors ce qui pourra signaler un véritable Haunter ne peut être que la résurrection involontaire de ce Passé impérial, et non le seul goût de l’exotisme. Il ne suffit plus d’arborer le turban et la barbe du maharadjah : c’est tel individu, jamais tenté par le déguisement, visité par les Colonies mystérieuses, qui sera le créateur d’un Haunter. Comment parler d’Atone, tandis que l’on affirme encore la richesse de l’imaginaire dans l’Orgue du Fantôme ? Et pourquoi parler d’Horrible, lorsque nous voulons le qualifier négativement, comme le contraire d’un Malheur ? C’est que l’imaginaire, dont nous avons rappelé l’origine, ne forme qu’un substrat, et qu’il n’est décelable que par l’analyse. En empruntant une terminologie célèbre, nous pouvons ici parler d’un contenu manifeste et d’un contenu latent. A ceci près que dans l’Orgue du Fantôme, c’est le contenu latent qui est figuratif, que l’on doit extraire, et c’est le contenu manifeste  qui consiste en postures, pulsions, mouvements de l’esprit. Le Haunter est avare d’événements et d’émotions, comme nous l’avons déjà indiqué ;  il n’est pas un rêve proliférant. Le rêve, précisément, est pour une fois la matière qu’il faut extraire, et le cours indifférent et glacé du Haunter ne traduit que la beauté intimidante de ce rêve, une beauté tellement spéciale qu’elle fait craindre à celui à qui elle est révélée, que l‘oubli, la dissolution et le tombeau lui sont promis.

 

 

 

20 Haunters et ce qu’ils dessinent :

 

1. The Specters « Depression ».  Une mise en sarcophage.

2. The Werps « Shades Of Blue ». Un rite tantrique.

3. The Epicureans « I Dont Know Why I Cry ». Un tapis volant.

4. The Blokes « Slanders Child ». Un fleuve des Enfers.

5. Brym Stonz « Tymes Gone By ». Une société de bardes, retranchée au cœur de la Forêt.

6. The Bounty Hunters « Somewhere ». Le cavalier sans tête.

7. The Madhatters « You May See Me Cry » . Le culte zoroastre.

8. Reuben Bell « Its Not That Easy ». Le labyrinthe. 

9. The Vendors « My Rose-Ann ». D’interminables galeries sous la roche, et l’être qu’elles abritent.

10. Evil « I Know Ill Die ». Une lampe-tempête, telle qu’invoquée par Sred Sweign.

11. Flower Power « Stop ». Les danses païennes de Summerisle.  

12. The Dhag Dhags « Tipo Sicodelico ». La mort dans le canyon, après la perte des cinq sens.

13. The Savages « Quiet Town ».  L’Etoile mystérieuse et les dérèglements climatiques engendrés.

14. Uncivilized « back again ». Des insectes sur la fourrure d’un loup.

15. Yabancilar « Agit ». Sred Sweign et ses amis sur la plage, attendant la fin du monde.

16. Paul Martin « It happened ». Un prince retrouvé pendu dans son nid d’aigle.

17. Adrian Lloyd «Got a little woman ». La créature de Frankenstein hébétée sur la banquise.

18.  The Enfields « In the eyes of the world ». La longue marche du condamné.

19. Disraeli « What will the new day bring ». La jouissance juste avant la mort.

20. Pussyfoot « Hasty words ».  Une secte constituée d’hommes glabres et nus.

The Bounty Hunters - Somewhere

Flower Power - Stop

The Dhag Dhags - Tipo Sicodelico

Yabancilar - Agit

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