The Beachwood Sparks sont les derniers aigles solitaires du mouvement musical le plus sous-estimé, moqué, méconnu par la critique européenne, qui s’est complue dans la pose avant-gardiste, la « littérature d’idées » et la fréquentation du gros lester bangs : nous avons nommé le country-rock. Si de nos jours, le fantasme d’une musique mélangeant tradition confortable et un certain groove réémerge légèrement et de manière prévisible chez la génération muffin-twitter, le genre est pourtant réduit à quelques mots « sésames » systématiquement rabâchés et finalement vidés de leur sens : summer of love, baba cool, Laurel Canyon… Autant dire que The Tarnished Gold ne mérite pas ce survol complaisant et s’adresse aux oreilles aguerries, celles pour lesquelles le country-rock n’est pas une page internet explicative péniblement entraperçue entre deux smoothies, mais le genre qui sut à la fin des années 60 allier souffle lyrique, cahotages funky et volupté instrumentale comme aucun autre.
The Tarnished Gold est bien un disque de fin de lignée, du dernier round, émouvant comme un couple de vieillards évoquant pour la première fois la disparition de l’autre, pourtant pensée cent fois. Aucune tendance à la geignardise cependant sur cet album qui pourrait être le dernier du groupe. On songe souvent aux New Riders Of The Purple Sage pour cette mélancolie de l’irréversible (« Last lonely eagle » sur leur premier album), mais également pour la vélocité rythmique, la facétie, les harmonies spontanées. Un mot à propos de ces dernières : The Beachwood Sparks n’étant pas un groupe prépubère à gimmicks à la Fleet Foxes, ils ne se sentent pas obligés de démontrer la justesse de leurs harmonies qui restent discrètes, maîtrisées de bout en bout, mais jamais brandies comme un argument de vente comme chez les ragondins indie rock précédemment nommés.
Il y a beaucoup à dire sur les beautés éparpillées à la jetée de ce disque. Des rêveries parsoniennes (« forget the song », « alone together »), des chatoyances psychédéliques (« Sparks fly again » et sa citation de Notorious Byrd Brothers), la country-gospel cataleptique de « Water from the well », à la David Crosby, sans oublier, composante trop rarement mentionnée du country-rock, la saveur mexicaine de certains titres ou simples passages comme le solo de guitare sèche de « talk about lonesome », négligemment beau comme la bretelle de soutien-gorge d’une serveuse de taqueria.
Une belle somme intemporelle, poussiéreuse uniquement pour ceux qui préfèrent Paris plage à la Pacific Coast Highway, les festivals bretons aux falaises rongées par le soleil de San Simeon.
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