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8 juin 2005 3 08 /06 /juin /2005 22:00

SEXE!

DJ Connard et Mme Connasse dans une vie antérieure

Jeanpop2 et M. Poire eurent pour cette émission le grand honneur d'accueillir DJ Connard et sa suave compagne Mme Connasse qui rafraîchirent les ondes des récits à demi-voilés de leurs pratiques sexuelles et de leur rires mutins. Ainsi furent confontées la vision fantasmatique symboliste de M. Poire et la praxis échevelée de DJ Connard pour presque deux heures de cris de bonobos. Pris de fièvre priapique, DJ Connard inséra sa langue dans l'oreille de Jeanpop2 mais l'incident se résolut aussitôt grâce à un sermon de ce dernier. (Les titres suivis d'une astérique sont des sélections de DJ Connnard) 

The Crazy Teens "Crazy date"

The Dirty Shames "Makin' love"

Cuby and The Blizzards "Your body not your soul"

The Fallen Angels "Bad Woman"

Bobby Freeman "Oughta be a law"

The Young Rascals "Come on up"

The Emotions "My honey and me"

The Stooges "Penetration" *

GG Alin "Gimme some heads" *

The Devildogs "Suck the dog" *

Philippe Nicaud "Cuisses nues bottes de cuir" *

Connie Lingus "Fuck me forever" *

The Mummies "In and out" *

Tony Colton "I've laid some down in my time"

The Sorrows "Let me in"

The Eyes "The immediate pleasure"

Gwen Mc Rae "90% of me is you"

Davis Jones and The Fenders "Boss with the hot sauce"

Eddis Curtis "Those foxes and pussycats"

Don Julian and The Larks "Shorty the pimp" *

Andre Williams "Pussy stank" *

Jerry Lee Lewis "Great balls of fire" *

De Giafferi "Sado maso" *

Beach Bitches "Up up up" *

 Vous pouvez écouter l'émission en direct tous les mercredis de 20h à 21h30 sur le site de radio campus Orléans (voir les liens). Vous avez grand intérêt à le faire. Vous pouvez également l'écouter à n'importe quel moment ici!!!

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7 juin 2005 2 07 /06 /juin /2005 22:00

C'est facile de se moquer

The Tempters, ou le psycho-batave nippon

Non, ce n'est plus le moment de la bonne humeur et de la raillerie gaillarde d'après-boire. En ces temps de naufrage universel pédé progressif, Jeanpop2 et M. Poire vous rappelèrent ce soir-là que le bon goût n'est pas l'apanage de quelques individus aux crânes rasés homoïdes conservateurs gauchistes. Si ces gens vous daubent parce que vous portez un t-shirt "The Psycopaths", tuez-les.

Boris Manço "Ben bilirim"

The Psycopaths "Til the stroke of dawn"

                         "See the girl"

17th Avenue Exits "A man can cry"

Luis cataldo "Non palero"

Los York's "El Sicodelico"

D'4 Ever "Mungkir Janji"

Night Mist "Last night"

T-Model Ford "Let the church roll on"

The Cam-Pact "Zoom zoom zoom"

The Impressions "Senorita I love you"

Eddie Holman "I surrender"

The Rock

The Silly Surfers

The Youngers "My love my love"

The Swing West "Fire"

The Mops "Asamade Matenai"

Alan Avon and The Toy Shop "Night to remember"

Roy Orbison "Pretty paper"

The Extremes "I'm hurtin'"

Buddy Holly "Valley of tears"

Crabby Appleton "Go back"

Steely Dan "The fez"

The Ravenz "Sleepless nights"

Jimmy James and the Vagabonds  

Vous pouvez écouter l'émission en direct tous les mercredis de 20h à 21h30 sur le site de radio campus Orléans (voir les liens). Vous avez grand intérêt à le faire. Vous pouvez également l'écouter à n'importe quel moment ici!!!

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6 juin 2005 1 06 /06 /juin /2005 22:00

« Commandons à manger, si la chose vous agrée ». Chacun d’entre nous sentait qu’une discussion de la plus haute valeur allait avoir lieu, sitôt le repas terminé. Le spectacle des danseuses du Helluva nous était à présent devenu indifférent et parce qu’il nous incombait à chacun d’honorer par notre intelligence et notre sérieux la présence stimulante des trois autres, nous baissions obstinément la tête vers nos assiettes afin de régler nos discours dans leurs moindres détails. Il eût été tentant pour le client sarcastique dont l’esprit fuyait maintenant la scène et ses ébats de se divertir aux dépens de quatre ecclésiastiques abîmés dans leurs prières. Lumière du Psycho-batave, nous ne suscitâmes guère de moqueries. Si l’un de nous quitta le premier son retranchement, ce fut Randall Webb, toujours hostile à l’idée de matière et qui donc ne déjeuna que d’un morceau de pain de seigle et d’un verre d’eau. Nul doute qu’il ne marquât pour lui-même une légère répulsion à l’endroit de mon ami John Ernest, qui gaillardement découpait un majestueux T Bone Steak. « Et pourtant, croyez-moi, je ne mange pas de la viande tous les jours. » Je savourai pour ma part une assiette de Fettucci aux câpres arrosés de vin de Toscane mais entre deux bouchées, j’examinai Sean Bonniwell dont le menu ne cessa pas de m’intriguer tant il contrevenait aux principes élémentaires de l’harmonie culinaire : des épinards, une boule de glace à la framboise et un grand verre de lait. Sean Bonniwell mangeait bruyamment, avec force effets de succion et de mâchage, il projetait  sur ses voisins immédiats de petits éclats verdâtres et étalait sans vergogne ses coudes qu’il avait puissants et pâles. Nous savions tous que Sean Bonniwell était l’auteur de « People In Me », aussi nous avions mesuré très vite sa propension à la métamorphose, aux écarts de comportement, à la différence intérieure, et nul ne s’étonna que le Maître Zen se changeât en goinfre, les deux étaient contenus dans Sean Bonniwell qui, après avoir vidé d’un trait unique son verre de lait, se frotta la pommette droite avec son mouchoir en tissu, dont je remarquai alors qu’il était brodé aux initiales de Bonniwell Music Machine. « Ma mère nous a élevés mon frère et moi dans la stricte observance des principes que lui avaient inculqués ses aïeux catholiques espagnols. Parce que cette femme ne pouvait se reposer sur un époux tôt disparu sur les côtes normandes en 1944, une gouvernante à la lèvre supérieure duvetée, du nom de Miss Tilden, prenait en charge notre éducation. Miss Tilden, dont la gratitude envers ma mère jamais ne se désavoua, tenait à faire appliquer et respecter les consignes qu’elle recevait. Ma mère, de son côté, soutenait infailliblement l’action de sa gouvernante et parce qu’il lui aurait été pénible de reconnaître l’échec de sa pédagogie, elle préférait sacrifier le bonheur de ses fils à la violence de ses impératifs moraux. Elle n’aurait permis qu’on critiquât le choix qu’elle fit d’employer Miss Tilden comme préceptrice : cela aurait terni son renom en faisant d’elle, en retour, une mère peu avisée. Or mon frère ne pouvait tolérer qu’on le privât d’une enfance oisive, celle à laquelle nous aspirons tous. De plus, son orgueil le poussait à défier l’autorité de Miss Tilden, dont il n’accepta jamais les remontrances ni les punitions.

 

Mrs Bonniwell, mère de Sean

Un jour que nous étudiions sous la surveillance de notre gouvernante, mon frère croisa soudain les bras et siffla un air à la mode. Avec tact, Miss Tilden suggéra que la musique populaire ne vient pas en aide aux petits garçons lorsqu’ils doivent résoudre un problème d’arithmétique. Mon frère haussa les sourcils et émit un soupir. Alors Miss Tilden s’approcha et tenta de remettre mon frère à l’ouvrage en lui représentant la déception de notre mère qui souhaitait pour nous que nous devinssions des hommes aussi instruits que l’était notre brave père, fauché sur les côtes normandes en 1944. L’instruction, affirmait Miss Tilden, ne souffrait pas qu’on la négligeât en une seule occasion, parce qu’alors la paresse et le vice s’insinuaient durablement dans le cœur. Comprenant que l’homélie de Miss Tilden ne cesserait qu’avec sa décision de reprendre l’étude, mon frère, séduit par la grandeur que supposait le geste, administra un soufflet à notre gouvernante. Celle-ci, outrée, incertaine de l’interprétation que notre mère ferait de l’incident, partit se réfugier dans sa chambre jusqu’au soir. A son retour, notre mère apprit ce qui s’était passé par notre servante qui avait observé la scène depuis le couloir où elle époussetait quelques bibelots. Nous fûmes tous trois convoqués et tous trois, nous dûmes répéter la même histoire. Au terme de l’entretien, notre mère fit chercher Alonzo qui était le jardinier mais aussi et surtout l’auteur des innombrables réparations que subissait notre vieille maison. Ma mère prit dans sa main la main de mon frère qui avait donné le soufflet, puis s’adressa, sans le regarder, les yeux posés sur la petite main, à Alonzo, qui ne se trouvait pas à son aise dès lors qu’on l’éloignait de ses tâches manuelles : « Alonzo, je veux que tu coupes cette main ». Alonzo s’exécuta et mon frère ne compta plus désormais qu’une seule main. » Randall Webb le premier prit la parole en faisant mine de congratuler Sean Bonniwell : « Tout à fait Psycho-batave ! Il ne raconte pas cette histoire pour la première fois, en fait il la raconte chaque fois qu’il se sent de bonnes dispositions envers ses interlocuteurs, c’est ainsi que Sean Bonniwell marque sa bienveillance à votre endroit, et je suis fier de ne pas avoir surestimé la valeur de mes amis, nous pouvons dès lors aborder des points plus essentiels, en particulier dévoiler la raison de notre passage à Concord, Massachussets. » A ce moment, Sean Bonniwell se frotta une nouvelle fois la pommette droite puis déclara d’un air sybillin : « Mon cœur est espagnol, j’apprécie votre compagnie ». John Ernest, qui lorsqu’il buvait généreusement était sujet à des accès d’acrimonie, se dressa : « Ces foutaises poétiques me sortent par les yeux, quand vous aurez décidé de parler musique, faites-moi signe, en attendant je m’en vais faire une ronde dans les loges, bien à vous messieurs » puis s’adressant à moi en particulier : « Boulter, il y a de la drogue psychédélique là-dessous, réfléchis un peu et tu verras que j’ai raison, ces gars-là font le jeu des hippies, ils sont juste un peu plus retors que la moyenne ». John Ernest se trompait, et j’aurais dû lui rappeler sa propre sentence d’après laquelle on ne pouvait raisonnablement se défier d’un homme si celui-ci avait jugé bon de reprendre « 96 Tears ». Je restai seul sous le feu convergent et destructeur des regards de Randall Webb et de Sean Bonniwell, qui ne semblaient pas affectés par le départ de John Ernest. Leur contenance, leur maîtrise indiquaient qu’il trouvaient même sain de la part de mon collègue, flamboyant Irlandais, que celui-ci se scandalisât du tour hermétique de notre entretien au point de partir inspecter les loges où devaient l’attendre quelques bonnes amies à la peau brune. Ils admiraient la manoeuvre. « Boulter, nous avons besoin d’un Magnum 45 ».

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5 juin 2005 7 05 /06 /juin /2005 22:00

Look at this engaging face,

you won't forget that man!!!

He's the senator Alabama is longing for!!!

Vote John Pear!!!

He's got youth, balls and experience!!!

Hail him high up to the congress!!!

No fear, vote Pear!!!

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4 juin 2005 6 04 /06 /juin /2005 22:00

Timidité

Andre Williams, dépressif et timide notoire

Jeanpop2 et M. Poire invitèrent ce soir M. Guy, discret connoisseur ès pop arrivé tout droit de son Connecticut natal pour partager sa science de la joliesse et du californisme macwellback. Hommage fut porté à la timidité créatrice dans ce cocon psycho-batave tendre qu'étaient devenus les locaux de la radio. Les titres suivis d'une astérisque ont été fournis par M. Guy.

Shorty and the Enchanting Souls "Chaw chaw chaw"

We The People "Saint John's shop"

Thor's Hammer "By the sea"

The Cynics "I'll go"

Bill Ricchini "Julie Christie" *

The Jessica Fletchers "Summer holiday and me"

Hal "Worry about the wind" *

Kenny and The Kasuals "I will make it"

Mr Lucky and The Gamblers "I told you once before"

The Bugs "Pretty girl"

The What Fours "Eight shades of brown"

The Bittersweets "She treats me bad"

The Mark V "You make me lose my mind"

The Pale Fountains "Just a girl" *

Big Star "Thirteen" *

Jens Lekman "You are the light" *

The Enfields "She already has somebody"

The Fantastic Dee-Jays "Love is tough"

The Bad Manners "I am alone"

The Jujus "Do you understand me"

? and The Mysterians "Make you mine"

Guided by voices "Echos Myron" *

The Perpetuated Spirits of Turpentine "I'm a lucky guy"

Vous pouvez écouter l'émission en direct tous les mercredis de 20h à 21h30 sur le site de radio campus Orléans (voir les liens). Vous avez grand intérêt à le faire. Vous pouvez également l'écouter à n'importe quel moment ici!!!

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1 juin 2005 3 01 /06 /juin /2005 22:00

          En avril 1971, à Concord, Massachussets, eurent lieu des mouvements de protestation contre la guerre du Vietnam dont personne, hormis ceux qui les vécurent, n’entendit parler. Elles ne présentaient à vrai dire qu’un intérêt fort limité, d’abord en raison de leur caractère tardif et rétrograde, ensuite parce que la foule éructante refusait tout acte de violence et de dégradation des biens. Les étudiants de 1971, non contents de porter des tuniques indiennes et des insignes de paix, braillaient en cœur des hymnes folk et psychédéliques, tels des pâtres aux cheveux sales. Ils arboraient tous un même sourire fétide qui semblait annoncer l’union de tous les peuples dans la joie des guitares sèches et des flûtes de pan, certains se tenaient la main comme s’ils se donnaient rendez-vous à la kermesse du sous-prolétariat rural ravagé par l’alcool et l’illettrisme, d’autres levaient les poings, et leur attitude dénotait l’amateur de jazz transcendantal fraîchement converti au rock hard allemand de mc5. Au devant de cette marée, je faisais mine d’incarner le représentant de l’ordre que les hippies voulaient voir en moi. Il m’eût été bien difficile d’expliquer que la police en 1971 restait le dernier bastion du Psycho-batave. Ma profonde affliction ne me permettait pas d’intervenir autrement que par la seule présentation de mon corps blindé, j’empoignais quelquefois un hippie par les cheveux et le traînais au coin d’une rue, je commençais à le battre sèchement mais le cœur n’y était plus. Alors je laissais s’échapper l’adolescent qui apprenait à ses camarades que j’étais un brutal fasciste, cependant que c’était le système qui m’avait fait ainsi, que mon éducation déficiente ne m’avait pas offert les moyens de le comprendre, que j’étais le produit inconscient d’une machine totalitaire broyant ma liberté, que, donc, il ne fallait pas m’en blâmer, et que le vrai Christ, celui des Evangiles, pas celui de Rome, prônait l’amour entre frères, que timothy leary et georges harrison avaient aussi insisté sur le fait que la transformation de l’âme serait opérée par l’amour, que l’on devait par conséquent m’aimer pour que je devienne un type excellent. Oui, ce jeune hippie, après que je l’eus corrigé, proposait de m’embrasser et de m’appeler son frère : 1971. Nos jeunes lecteurs peinent à s’imaginer l’effroi qui régnait en 1971. Je revenais parmi les rangs, aux côtés de mon ami Vieux loup John Ernest et soudain, je crus apercevoir un visage familier mais déplacé dans la circonstance. La foule faisait circuler de bouche en barbe un mégaphone, si bien que chaque sottise traversant l’esprit racorni du moindre pédé progressif pouvait être hurlée pour l’édification des masses. On s’empara du mégaphone : « Tas d’esclaves dévitalisés, tiers-mondistes sirupeux, artistes de rues maigres et affamés, aucun de vous, vous m’entendez, AUCUN DE VOUS n’est digne de jouer dans un film de Sam Peckinpah ! arthur penn ou bien andy warhol, voilà ce que vous méritez ! Ce que vous voulez vraiment, c’est parler du génocide indien en épluchant une pomme pendant qu’un Hongrois au crâne lisse vous chie sur la nuque, pas vrai ? Ah ! Ah ! Ah ! ». Randall Webb ! Comment ne pas reconnaître celui dont la force de synthèse et l’inventivité conceptuelle avaient permis la théorie du Psycho-batave tendre dès l’été 1966 ! Ses travaux avaient naturellement commencé très tôt à porter leurs fruits, mais, avant que je ne devienne moi-même un théoricien, d’un genre plus impressionniste, plus porté aux nuances, j’avais été associé par miracle à l’une des créations philosophiques de mon brillant ami. Si la virulence du propos me l’avait désigné comme étant sans conteste celui que j’admirais, je constatai que Randall Webb avait vestimentairement évolué du costume classique dit costume Larry & The Blue Notes au costume réglementaire dit costume Clifford Curry. Pour le reste, malgré une lassitude et une déception intense qui se lisaient sur ses traits, Randall Webb était demeuré tel qu’en lui-même dans l’éternité. Les hippies, aux mines contrites, entonnaient de vagues sermons, laissant leur imprécateur dans la frustration du combat escamoté ; la vue de Randall Webb suffit à me régénérer et glorieusement, je m’approchai du cercle formé autour de lui pour asséner quelques coups de bâton et enfin, répandre des fumigènes.

 

D'infâmes hippies mûrs pour la matraque de Boulter Lewis

 

« Grands Dieux ! Je savais que tu viendrais m’épauler, Boulter ! Montrons-leur, à ces militants de l’amour, ce qu’est la classe véritable du Psycho-batave ! » Ainsi Randall Webb ne se trouvait pas à Concord, Massachussets, pour simplement lutter contre le fléau des hippies, ou bien s’il luttait contre le fléau des hippies, son action devait prendre un tour plus mondial et plus systématique, et c’était dans cette idée que moi, Boulter Lewis, je constituais le but authentique de sa visite, moi qui devais me révéler d’un grand et précieux secours dans le dessein général de Randall Webb. Nous gagnâmes le fourgon, où John Ernest avait décidé de se réfugier en attendant la dispersion de la foule ; mon collègue Vieux loup jouait très opportunément la musique de James Brown, qui nous mit tous de joyeuse humeur, et ainsi nous roulâmes jusqu’au Helluva, qui était notre club de strip-tease favori, celui dans lequel rien ne nous était tarifié. En connaisseur, Randall Webb apprécia les spectacles qui lui étaient présentés, c’est-à-dire que pas une seule fois sa volupté insatiable ne déborda les cadres de l’émotion esthétique. Lorsque je suivais ma formation à l’école de police, j’avais emmené Randall Webb au Helluva, j’y avais conservé mes habitudes et à présent, doté d’un pouvoir répressif accru, je fréquentais le même lieu en compagnie du très vorace John Ernest, lui et moi étant toujours accueillis avec les égards les plus manifestes. Randall Webb, soit que sa mémoire le lui eût suggéré soit qu’il eût enquêté auprès des potentats locaux, avait parfaitement prévu que nous scellassions nos retrouvailles au Helluva : c’est pourquoi un ami nous avait précédés, qui allait jouer un rôle important dans la suite de nos affaires. C’était un petit homme brun et solidement charpenté, l’air acariâtre, qui, par défi plutôt que par négligence, était vêtu d’un jogging gris à capuche, cela et ses lunettes immenses l’apparentaient à ces tueurs à gages que la Mafia préfère employer pour des contrats sordides et immoraux, contrats qui excluent la participation d’un Italien mais qui conviennent à l’Américain qui n’a plus ni honneur ni bon sens. « Boulter, félicite-moi car tu es assis à la même table que le chevalier californien du Psycho-batave angoissé, celui que le redoutable perfectionnisme de son Etat n’a jamais empêché d’être le plus lyrique des interprètes et le plus baroque des compositeurs, celui qui seul comprit les réelles ressources de la folie et n’en fit jamais quelque chose de théâtral, dans l’enflure ou le dénuement hypocrite, celui qui seul usa de la structure et de la densité pour donner corps à ce qui chez d’autres s’évapore dans la prétention, celui qui reste l’inventeur de la musique maniaque, mon ami et maintenant le vôtre  : Sean Bonniwell »

 

           Sean Bonniwell, qui écoutait imperturbablement l’éloge de Randall Webb, hocha cependant la tête aux mots « structure » et « maniaque » puis, lorsque l’éloge se termina, il regarda de biais les fluides contorsions d’une jeune Naïade le long de sa rampe argentée. Dans le plus pur style japonais, un discret plissement de la joue droite indiqua le plaisir qu’éprouvait Sean Bonniwell à contempler ce spectacle ; ce visage que l’on eût cru figé quelques instants avant était en réalité innervé par la joie des sens et de l’intellect ; tel le maître Zen, Sean Bonniwell réduisait son expressivité à l’essentiel, dès lors, chacune de ses réactions, toutes mesurées dans leurs apparitions, prenait le tour d’une déflagration. Sean Bonniwell tira un mouchoir en tissu de la poche de son jogging et le passa sur sa pommette droite.

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20 mai 2005 5 20 /05 /mai /2005 22:00

         Le 21 juin 1970, Dr John fut convoqué dans les studios Sansu par leur fameux propriétaire, Allen Toussaint. Les deux hommes, qui avaient bâti la fortune de la Louisiane des années 1960, n’avaient pourtant que rarement travaillé ensemble. Quelques années plus tard, la négligence allait être rattrapée grâce à l’enregistrement des célèbres « In The Right Place » et « Desitively Bonaroo ». Mais ce que le grand public ignore, c’est que l’origine de cette collaboration doit être située ce 21 juin 1970, date à laquelle Allen Toussaint sollicita Dr John pour la mise en œuvre d’un projet musical obscur et séduisant dans lequel lui, le très grand producteur, pour des raisons qu’on ne peut que spéculer, refusait de s’engager personnellement. Dr John, établi en Californie, consacrait ses efforts à l’écriture de ses propres disques après avoir, des années durant, arrangé et orchestré les disques des autres. Ainsi l’offre d’Allen Toussaint pouvait d’un premier abord apparaître disgracieuse en ce sens qu’elle niait implicitement la valeur émancipatrice des disques enregistrés par Dr John depuis « The Night Tripper ». D’un autre côté, il était non seulement stupéfiant qu’Allen Toussaint déclinât une proposition qui lui était adressée mais surtout flatteur pour Dr John qu’Allen Toussaint lui remît en toute confiance un projet qu’il ne se sentait pas la force de faire aboutir.

            L’après-midi du 21 juin 1970, les deux génies s’envolèrent pour Charlotte dans l’Etat de Georgie. Il est vraisemblable que l’objet de la visite fût demeuré secret pour Dr John, soit qu’Allen Toussaint opposât un silence sans espoir à la curiosité de Dr John, soit que ce dernier, épris de mystère, ne désirât pas savoir où sa bonne étoile le menait. Confiant dans la révélation, dans toutes les révélations, Dr John, précédé de la silhouette princière d’Allen Toussaint, qui paraissait toujours arpenter un territoire qui lui était à la fois familier et perdu depuis longtemps, Dr John, son corps ensommeillé, marcha en quête d’une récompense qu’il n’osait imaginer dans les rues amicales de Charlotte, Georgie. Il marcha tant et tant qu’il eut le loisir de composer mentalement trois chansons dont « Such A Night » et de réciter pour lui-même les vertus de son ami Allen Toussaint, parmi lesquelles l’immédiate adhésion à l’esprit de la Nature, et à force de marcher, le but de son voyage se matérialisa. C’était une maison sévère, de peu d’attrait, privée des ornements habituels, qui décourageait sans doute ses rares visiteurs et peut-être même ses occupants aussi. Il fallait adopter une vue particulière pour s’éprendre du charme de cette maison, il fallait être le genre de personne que n’étaient ni Dr John, ni Allen Toussaint : un Romain de la République, un Caton l’Ancien, un esprit assez vigoureux pour ne se repaître que de l’austérité de la vertu et y goûter des délices qu’eux seuls savent goûter. Si l’occupant de cette maison n’était ni fou ni malheureux, il devait être un incomparable professeur de vie. Allen Toussaint frappa le heurtoir en bronze et une petite femme desséchée les fit entrer dans le vestibule. Celui-ci était couvert de médailles, de pièces de monnaie, de cartes et d’épées rangées dans leurs fourreaux. Ainsi la dégénérescence psychédélique n’avait pas pénétré ces murs, puisque tout y relevait de la forme ancienne du Psycho-batave, à l’époque où non pas The Jay-Jays mais Charles Robert Maturin incarnait le Psycho-batave. La petite femme s’engouffra dans une pièce pour en ressortir presque aussitôt ; elle invita Allen Toussaint et Dr John à passer dans la salle de bal où les attendait le maître des lieux. Lorsqu’il entra dans la pièce, tendue de rideaux sombres, jonchée de meubles aux ors dépolis  et qui dégageait par instants une odeur de camphre et de tabac turc, Dr John parvint avec difficulté à distinguer dans le coin inférieur celui qui devait être leur hôte et dont le corps se tassait au creux d’un fauteuil éventré. Seule émergeait de cette masse la reliure rouge d’un ouvrage que l’homme lisait. Il s’agissait des Bucoliques, une œuvre que connaissaient et admiraient et Allen Toussaint et Dr John. L’homme enfin déploya une silhouette longiligne, puis d’un mouvement très ralenti, ôta ses lunettes et darda sur ses visiteurs un regard qu’ils n’avaient jamais oublié depuis qu’ils l’avaient croisé pour la première fois au milieu des années 1950. Il n’eut guère besoin de se présenter : le jeune Dr John se souvenait bien de son idole Darby Jones, l’interprète sacré de Carrefour dans le magnifique I Walked With A Zombie. Darby Jones avait beaucoup vieilli quoique son pouvoir n’eût pas faibli. Toujours son apparition suscitait l’angoisse d’errer dans les limbes, de ne pas appartenir à un monde tangible, d’habiter une zone mal définie, intermédiaire et d’y être contrôlé par d’étranges forces qui nient votre libre-arbitre, mais qui en compensation vous laissent appréhender l’excédent sensoriel de chaque monde. Cette angoisse, liée à la personne de Carrefour, Dr John en pourchassait la forme dans chacun de ses disques. « M. John, notre ami Allen nous a réunis opportunément pour discuter un projet qui m’est très cher et que vous m’aiderez à réaliser si vous êtes l’homme auquel je songe et dans ce cas, sachez qu’il n’est que très peu de gentlemen à qui l’on témoignerait tant de respect et de révérence comme votre renommée et votre bonne figure m’en ont inspirés depuis déjà plusieurs années. » Ce furent là les paroles exactes prononcées par Darby Jones. Elles suffirent à convaincre Dr John d’enregistrer le disque le plus occulte de l’année 1970, par ailleurs année de réaction anti-Psycho-batave et donc année d’abjection et de mort musicales.

 

 

Darby Jones signant des autographes

 

Le 15 juillet 1970, à New-Orleans, sous les auspices distraits d’Allen Toussaint, Dr John entama une série de sessions nocturnes avec Darby Jones. Un observateur rapporte qu’Allen Toussaint passait la plupart de son temps à étudier un article paru dans une revue régionale sur les échecs ; au sommaire figurait le match qui avait opposé Alekhine et Capablanca en 1927 pour le titre de champion du monde ; Allen Toussaint avait disposé sur la console de mixage un échiquier et reproduisait chaque coup en laissant filer de longs intervalles. Son agacement pointait toutes les fois où il devait manier les pièces d’Alekhine. De son côté, Dr John réglait les parties instrumentales, dirigeait les musiciens et parlait à voix basse avec Darby Jones, qui, avant de chanter (puisqu’il était chanteur), aimait à s’entretenir sur le mood requis par telle chanson. Le dynamisme de Dr John ne portait nul ombrage à Allen Toussaint dont le rôle était à la fois terminé et toujours latent : les semaines qui précédèrent l’enregistrement, Allen Toussaint avait composé quatre nouveaux titres et choisi les cinq covers de l’album Darby Jones The Love Zombie. Il avait ensuite patiemment élaboré les arrangements et rassemblé les musiciens ; il abandonnait le reste, c’est-à-dire l’enregistrement en lui-même, le plus décisif, à Dr John. Et si son oreille alerte avait décelé le moindre contre-sens dans l’interprétation qu’allait donner Dr John de ses compositions, Allen Toussaint aurait interrompu sa lecture, et perdu l’idée du match Alekhine/Capablanca. Cela n’arriva pas, tant Dr John fit preuve d’un génie égal dans sa partie à ce que fut le génie d’Allen Toussaint dans la sienne propre. L’album Darby Jones The Love Zombie consistait donc en neuf chansons, cinq reprises et quatre originales. Le chant ténébreux et rauque de Darby Jones serait l’unique dénominateur commun aux neuf chansons, chacune relevant d’un registre différent puisque Darby Jones désirait prouver sa maîtrise dans les domaines les plus variés et repoussait hardiment l’idée, alors en vogue, du concept-album. Il rejetait également le pittoresque haïtien, estimant pour sa part que son expérience intime du mal le privait de tout recul, qu’il fût ironique ou poétique, tandis qu’Allen Toussaint, lui, rejoignant ainsi la volonté de Darby Jones de ne pas donner dans le fantastique colonial, ne songeait qu’à rendre universelle la vision du chanteur. Allen Toussaint prévint Dr John : « Pas d’Orgue du Fantôme. »

            Les deux premiers enregistrements furent « Crying In The Chapel » et « Moon River », deux standards Italo-américains, deux romances qui étaient les favorites de Darby Jones. Les images et les thèmes n’importaient pas tant que la suavité des mélodies, cette qualité étrange de mélancolie à laquelle s’attache l’interprète, peut-être parce que la tristesse nous accompagnant notre vie entière, il convient d’en faire une amie compatissante. Aussi la ballade ultime nous permet-elle de trouver le réconfort dans cela-même qui nous affaiblit, elle change un signe funeste en une maison chaleureuse. Les arrangements des deux chansons ne surprenaient guère : pour « Crying In The Chapel », la voix de Darby Jones n’était soutenue que par un chœur de femmes, il arrivait ainsi qu’entre deux mesures, le silence s’installe et plus poignantes résonnaient de nouveau les voix ; « Moon River » poursuivait dans un semblable dépouillement, cette fois seule une guitare classique appuyait Darby Jones, parfois un orgue aux sonorités austères, dont la répartition était soigneusement déréglée, introduisait un air de fatalité qui faisait mentir la joliesse de l’accompagnement. « The Day Today » de Sean Bonniwell avait été choisi par Darby Jones lui-même, qui souhaitait néanmoins éviter de recourir au hautbois, dont l’utilisation aurait par trop trahi la paresse des arrangeurs. Pourtant c’était le hautbois, comme chacun le savait, qui conférait aux accords de « The Day Today » leur caractère spectral, et là encore, Darby Jones n’envisageait que de valider ce caractère spectral, pas de le modifier. Allen Toussaint combina alors une section de trompettes avec un clavecin, obtenant le caractère recherché tout en le nuançant : ce qui sonnait intimiste et nostalgique dans la version de The Music Machine prit ici le tour d’un échange entre l’homme et le Destin, le drame se mua en tragédie, le promeneur solitaire devint soudain Roi Lear. Les deux dernières covers étaient encore plus audacieuses, en ce qu’elles étaient tirées du répertoire adolescent féminin. Sur ce point, Allen Toussaint s’était laissé convaincre par la démonstration de Dr John : « il n’y a pas de drame spécifiquement adolescent sinon dans la réponse que l’on donne à l’événement dramatique, la nature du drame reste inchangée pour tout mortel, seulement l’adulte étouffe le drame par un attachement pathologique aux conventions morales et comportementales, et le vieil homme appelle sagesse son désir mortifère, mais l’adolescent connaît déjà la mesure de ce qu’affronteront ses aînés, sa réponse est de plus la seule à se montrer digne du drame, vivre à la hauteur des événements afin d’en absorber l’énergie implique que l’on préserve en soi la dignité de l’adolescence, qui n’a rien à voir avec l’enfance, en tous points haïssable, beaucoup de ceux qu’on appelle adolescents sont en vérité soit des enfants soit des adultes, des enfants abjects et des adultes immondes, il n’y a plus d’adolescents, les adolescents ont quitté la réalité, ils l’ont abandonnée aux enfants, qui sont des idiots, et aux adultes, qui sont des crapules ». « Where Did Our Love Go » représenta l’un des moments-phares de l’album Darby Jones The Love Zombie. La musique scandait chaque temps sans jamais céder à la virtuosité rythmique, de là un groove encore plus dense naissait de la basse, du célesta et des maracas, qui tombaient ensemble chaque fois, à intervalles réguliers ; puis, les violons venaient déranger l’uniformité quasi hypnotique de la mélodie, ils s’épanchaient de plus en plus jusqu’à effacer tous les autres instruments, y compris le chant orageux de Darby Jones qui avait évolué vers un majestueux fredonnement. Et tout se dissolvait dans une brume d’outre-monde. « Paradise », le chef-d’œuvre de The Shangri-la’s, était fondé au contraire sur l’accumulation des cordes et des cuivres, présents dès le début du titre et ne diminuant jamais. Le paradis en question ne suggérait pas la quiétude mais la libre expansion des désirs et des regrets, comme si l’homme accédant au séjour éternel y faisait face à une tornade composée de tous les sentiments qui avaient été les siens. Encore une fois la circonstance se sublimait en un événement mythologique, il était par conséquent naturel que « Paradise » formât la conclusion ébouriffante de Darby Jones The Love Zombie. Les quatre compositions originales d’Allen Toussaint présentaient un aspect plus dur, plus directement funky, nécessitant le jeu Psycho-batave, c’est-à-dire indépassable, de The Meters. Darby Jones en avait écrit les paroles, autobiographiques comme l’indiquaient les titres par eux-mêmes : « Upside Messenger », « This Gate Of Mine », « I Once Had A Puppet » et « She Masters My Will ». Il s’agissait de funk à impact maximal dans le cas de la première chanson et de funk un peu plus torve, tendant vers le McWellback, dans le cas des trois autres. Les duels orgue/guitare électrique comptaient parmi les plus incisifs jamais imaginés par The Meters ; sous une armature aussi solide, la voix de Darby Jones pouvait serpenter à loisir, elle créait à chaque fois le groove par des placements qui semblaient hasardeux. Quant à la batterie, rien n’aidait à en définir strictement la nature entre rugosité et souplesse. Comme Carl Jung en avait eu l’intuition, la libido, plutôt que sexuelle, était rythmique et comme Jean Pop 2 n’eut de cesse de l’expliquer, le rythme atteignait sa pleine forme en produisant la mélodie, qui n’est pas le complément du rythme mais sa révélation, cela Dr John l’avait toujours su.

 

            Darby Jones The Love Zombie, album titanesque, ne trouva hélas pas de distributeur national. Dans une Amérique rongée par les hippies et les cowboys fumant de la marijuana, personne ne voulait entendre parler de messager d’outre-monde, de contrôle de l’esprit, de sentiments impérissables et formant colonne, de voyages infernaux et paradisiaques. On raconte encore qu’une nuit, Dr John interpréta seul au piano une première version de « I’ve Been Hoodooed » et qu’elle fit pleurer Darby Jones, qui, n’osant plus lever les yeux, avoua : « Si seulement je pouvais me rappeler quand … ».

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20 mai 2005 5 20 /05 /mai /2005 22:00

Imminence

The Chants R&B, attendant l'orage

En ces temps troubles et inquiets, le concept de l'imminence est plus que jamais vivace. C'est donc sous le haut-patronnage de Julien Gracq que Jeanpop2 et M. Poire enfilèrent ces perles musicales qui ont toutes en commun une tension interne, un grondement qui laisse présager une crise. La fin est proche.

Co-real artists "What about you"

Jesters of Newport "Stormy"

The Talismen "She was good"

The Chants R&B "Early in the morning"

Clarence Reid "Tear you a new heart"

James Brown "Goodbye my love"

The Impressions "I've been trying"

Paul Martin "It happened"

The Savages "No no no"

The Mystic tide "Mystery ship"

Kim Fowley "Man without a country"

Junior Kimbrough "Old black Mattie"

Fred Neil "A little bit of rain"

The Odyssey "Little girl, little boy"

The Endd "Out of my hands"

The Outspoken blues "Not right now"

Dr John "Same old same old"

Lou Pride "I'm com'un home in the morn'un"

The O'Jays "Stand in for love"

The Unrelated Segments "Cry cry cry"

The David "40 miles"

John Bradley and the Swinging Soul Seekers "Everybody's gettin' soul"

The Flamingos "Golden teardrops"

Vous pouvez écouter l'émission en direct tous les mercredis de 20h à 21h30 sur le site de radio campus Orléans (voir les liens). Vous avez grand intérêt à le faire. Vous pouvez également l'écouter à n'importe quel moment ici!!!

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12 mai 2005 4 12 /05 /mai /2005 22:00

Nuit

C'est la malédiction du Golem qui frappa ce soir-là l'émission de Jeanpop2 : le matériel était incomplet, l'air était lourd et les femmes stériles. Notre héros, fièrement épaulé par l'irremplaçable M. Poire, s'acquitta néanmoins virilement de sa tâche en présentant et magnifiant ces trésors discographiques, enfants d'Euphroné. 

The Four Seasons "The night"

The Marksmen "Moonshine"

The Thoughts "All night stand"

The Poets "I'll cry with the moon"

The Bounty Hunters "The sun went away"

Roy Docker "Moonlight mellow"

Bohanna "Nighttime lady"

The Moonglows "Whistle my love"

Larry and the Blue Notes "Night of the phantom"

The Eyes "When the night falls"

The Jaguars "Dancing lonely night"

Sly and the Family Stone "Yellow moon"

Jack & Jim "Midnight monsters hop"

The Deadly Snakes "I can't sleep at night"

The Make-up "They live by night"

The Majic Ship "Night time music"

The Pleazers "Last night"

Marvin Gaye "If I should die tonight"

Scott Walker "Winter night"

Vous pouvez écouter l'émission en direct tous les mercredis de 20h à 21h30 sur le site de radio campus Orléans (voir les liens). Vous avez grand intérêt à le faire. 

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9 mai 2005 1 09 /05 /mai /2005 22:00

            Copenhague, aux murs roses et aux théâtres dorés, vit se dérouler l’épisode le plus mélodramatique de notre quête. Que la ville fût devenue un haut-lieu du psycho-batave ne constituait pas la raison de notre halte, qui était que Randall Webb y avait un frère, Tobby Webb, tailleur qui jouissait d’une belle réputation dans toute l’Europe du Nord. Les deux frères ne s’étaient pas parlés depuis près de quinze ans, sans qu’aucun motif de discorde ne vînt éclairer la nature de cette longue et pénible séparation. A ce que je pus déduire des propos sibyllins tenus par Randall Webb lors de notre voyage en train de luxe, il semble que ce dernier ait toujours essuyé le mépris de sa famille, qui souhaitait évidemment qu’il embrassât une carrière respectable. Tobby, qui était le cadet, consola la famille Webb de la défection du fils aîné, en choisissant la voie de la couture, où il ne tarda pas à créer d’immenses bénéfices, grâce, notamment, insiste Randall Webb, à une certaine malignité commerciale qui serait la signature du tempérament Webb. « Poire, je travaille depuis le jour de ma naissance à l’éradication pure et simple de cette tare familiale ».

 

            Je sentais à mesure que nous approchions de Copenhague que l’esprit de Randall Webb était tout entier tendu vers la rencontre imminente avec Tobby Webb, et je m’étonnai de trouver mon jovial compagnon dans de si sombres humeurs. L’incessante activité intellectuelle de Randall Webb s’abîmait dans de muettes ruminations qui ne laissaient pas de m’inquiéter. Mon trouble augmenta en apprenant de Legendre que celui-ci avait perdu toute sa bourse par l’effet d’une sournoise machination ourdie par Randall Webb qui, désireux de tromper la vigilance de Legendre, l’avait invité à un cercle de jeu (sous une identité avantageuse, cela va de soi), où des gens du meilleur monde, du moins d’un monde différent de celui de Legendre, s’adonnaient au whist et au piquet jusqu’à l’aube. Là Legendre, enthousiasmé par le vin de Tokay et les femmes galantes, ébloui par l’extrême facilité qui nimbait les gestes et les paroles de ses partenaires de jeu, oublia toute mesure, et ses impitoyables adversaires le plumèrent jusqu’au dernier sou. Randall Webb avait quant à lui amassé un profit considérable ; aussi proposa-t-il bruyamment de rembourser une partie des dettes de Legendre. Le pauvre maître d’hôtel se croit à présent le débiteur de Randall Webb et c’est le plus sincèrement et le plus loyalement qu’il sert désormais les volontés de son bourreau, tout en vouant une haine inextinguible à ceux qui le ruinèrent au piquet et au whist. Cette conspiration morale qu’avait planifiée Randall Webb ne faisait cependant briller aucune lueur de malice dans son œil ténébreux : plutôt que célébrer son triomphe, comme il eût normalement fait, Randall Webb observait un calme australien. (voir à ce sujet l'article "Rock Australien et fin du monde" )

 

La famille Webb en 1952 : en haut à gauche, Randall ; dans les bras de sa mère, Tobby.

 

            Nos bagages furent déposés dans une consigne, car nous devions reprendre notre chemin sitôt le dîner achevé. Pas un seul mot ne me fut adressé durant le trajet, de la gare au restaurant, et ce silence, en vérité, me reposa en ce qu’il n’annonçait nulle épreuve me concernant mais une épreuve personnelle pour Randall Webb, dont j’allais être le témoin abasourdi. Tobby Webb nous avait précédés. C’est un homme de petite taille, aux joues tombantes et au front dur, qui par de lents battements de cils communique une sorte de torpeur à ce qui l’entoure, sauf bien entendu à Randall Webb, qui, avant même de s’asseoir, agrippa un serveur boîteux pour passer commande : « Une pintade aux morilles et une bouteille de whisky irlandais ». Nous prîmes place et pas un de nous ne parla. La commande arriva, Randall Webb dévora sa pitance et vida en quelques traits la bouteille de whisky irlandais. Alors il toisa son frère avec rage et humeur, et il le fit avec tant d’abnégation que Tobby Webb trembla lorsqu’il émit un triste « Quoi ? ». « Mon frère ! Poire, mon frère Tobby ! Tu as dû imaginer que c’était l’envie, une banale affaire d’envie, qui a causé notre rupture, comme si quelque chose d’aussi vivant qu’une rupture peut avoir un sens lorsque nous appliquons ce terme à notre famille, il s’agirait plutôt d’un ensevelissement, voilà qui ressemble aux manières qui sont les nôtres, à vos manières puisque je renie absolument tout de cet infect passé qui me lie à toi, à Père et à Mère, je te suis hostile comme au premier jour, Tobby, non pas, je le répète, parce que tu as assumé le rôle que Père m’avait destiné, je l’exècre autant que je te vomis, je te suis hostile parce que ton idiotie, ton inculture, ta haine profonde de l’art et de l’esprit me poursuivent encore, et je comprends qu’on doit vivre tout le temps avec ceux qui furent nos premiers ennemis, les premiers destructeurs de la beauté et de la sensibilité que sont les membres d’une famille, qui vous rivent toujours à celui que vous étiez avant de penser pour la première fois, avant de devenir une personne intéressante, qui intéresse les autres et parfois même les séduit, une personne valant bien plus que les habitudes grossières qui la constituèrent pendant qu’elle s’éveillait sous le regard de ses parents, comme si ces habitudes anciennes avaient un quelconque rapport avec la personne que je suis devenue, par mes propres soins, inventés par moi-même, mon originalité que j’ai dû arracher à la gangue familiale, et que jamais je n’ai été tenté d’abandonner, lorsque la vie m’a accablé, qu’elle s’opposait résolument à mes désirs, qu’elle retardait ma création, j’aurais pu juger puériles et vaines les imaginations que je nourrissais et j’aurais alors songé à rabattre mon orgueil, à devenir tel que vous me rêviez, or tout, absolument tout me retenait de céder à cet appel mièvre et funèbre à la fois de la famille, de l’idée de famille, c’est-à-dire de rapports réglés et improductifs entre les êtres, je n’ai jamais accordé foi à cette utopie, pas que je n’en eusse été capable, car tout le monde, quand l’énergie sommeille au point de s’évanouir, tout le monde lorsqu’il est au plus bas de la volonté et du désir, tout le monde peut sombrer dans la famille, elle est ce qui nous récupère quand notre esprit nous quitte ou quand il s’effraie de sa dissipation, l’amour que je n’inspirais pas et qui finissait par m’aliéner des jeunes femmes dont j’aurais au moins souhaité l’amitié, l’amour m’inclinait souvent à choisir la famille, non pas notre famille, mais le comportement familial, la décence et la sobriété, parce qu’à chaque fois que je n’inspirais pas l’amour, je finissais par dégoûter celle que je convoitais, et il n’est pas sûr que ce dégoût puisse s’expliquer par un geste ou une parole que j’ai eus, il était bien souvent une réponse défensive et éloquente de la part de la jeune femme à des sollicitations qu’elle ne voulait pas combler, mais chaque fois, ce dégoût me jetait dans des transes insupportables, et c’est seulement là, au bout de cette détresse du cœur mais aussi de l’esprit, que je songeais à l’idée de famille, pas notre famille, pas non plus une famille que j’aurais fondée, mais le comportement familial de décence et de sobriété, or il m’apparut que cette idée de famille jamais ne me conviendrait, que je préférais le dégoût tel qu’il m’accablait parce que mon essence est celle d’un créateur, la création imaginaire est ce pour quoi je vis, je ne peux plus diriger mes forces et mes pensées sur une activité autre que la création, tout en moi converge vers la création, la critique et l’amour sont les deux mannes principales de ma création et je suis à présent certain que la critique et l’amour veulent l’annihilation de l’idée de famille, en quoi toute la haine de la création se trouve résumée, la famille, l’idée de famille appelle depuis toujours la mort de la création, se conformer à l’idée de famille signifie tuer la création, c’est substituer à l’énergie spirituelle un fonctionnement biologique quasi végétal qui vous fait accomplir les activités les plus laides, qui vous fait prononcer les mots les plus hideux, qui vous fait concevoir les idées les plus sottes et les plus dégradantes, c’est tuer ce que j’appelle la création et que seules une certaine informité, une certaine cruauté venant de moi et venant d’autrui peuvent stimuler en même temps qu’elles me blessent et me précipitent dans le ridicule, c’est cette informité et cette cruauté qui néanmoins me sont utiles du point de vue de la création, pas l’ignominie de l’idée de famille, que, pour moi, tu personnifies plus qu’un autre, Tobby. » Et brusquement, Randall Webb jeta une liasse de couronnes dans la soupière, puis, me tirant à lui, nous quittâmes l’endroit avant que j’eusse fixé dans ma mémoire la réaction de Tobby Webb, duquel j’avais oublié de me soucier pendant la tirade de son frère. Au pas de course, nous atteignîmes un canal solitaire que cependant la nuit étoilée peuplait de feux volatiles qui sont autant de témoignages de la mobilité des affaires humaines. Randall Webb tâchait de suivre les unes après les autres les formes et les places successives d’une même lueur. « Poire, prenez ce que vous trouverez dans la poche gauche de mon veston, et remettez-le moi ». J’obéis. « Un Magnum 45, Poire, légèrement modifié au niveau de la crosse, dont vous pouvez apprécier la rondeur et le poids. Ainsi modelée, la crosse de ce Magnum 45, qui a abattu des drogués, des hippies et des jazzmen, adhère à la paume, elle ne laisse pas l’air s’infiltrer et plus essentiel, elle assure la meilleure trajectoire. Ce Magnum 45, que l’on m’a procuré en 1971, c’est-à-dire peu après ma rupture avec l’essai poétique, je compte l’utiliser contre vous, Poire, et contre moi. Nous méritons de mourir, nous méritons d’être délivrés d’un monde où le Psycho-batave n’a plus cours. C’est fini, Poire. Dès 1964, Roy Orbison savait que c’était fini puisqu’il chantait « It’s Over », et plus j’y pense, plus je comprends que la chanson d’amour, dans le cas de Roy Orbison, est au fond davantage qu’une chanson d’amour privé, circonstancié et intra-mondain , comme l’est la majorité des chansons d’amour, et plusieurs parmi elles, même si elles se concentrent sur un objet défini, n’en sont pas moins de très grandes chansons d’amour. Seulement Roy Orbison a hissé son exigence au-dessus des exigences communes, pas en fuyant l’objet défini et en s’attachant de façon ostentatoire à l’objet indéfni, Roy Orbison n’était pas du genre à mépriser l’amour privé, circonstancié et intra-mondain, il ne chante d’ailleurs que cela, et il chante en plus ce qui excède l’amour privé, circonstancié et intra-mondain. Au terme de cet amour, si l’on se place sur la ligne des événements, on trouve la perte, et au-delà de cet amour, si l’on se place sur l’horizon du sens, on trouve l’abandon.

 

            

           Que Roy Orbison chante le terme et l’au-delà de l’amour, je l’ai compris après plusieurs écoutes quotidiennes de la chanson de 1964 « It’s Over ». Je m’interrogeais en particulier sur l’usage de la seconde personne. Il serait réducteur de n’y voir qu’un masque, d’ailleurs Roy Orbison emploie la première personne dans toutes ses chansons à l’exception de la chanson de 1964 « It’s Over ». Si Roy Orbison a recours à l’emploi  de la seconde personne, l’explication la plus satisfaisante est qu’il élabore un discours sur la nature humaine, parce qu’il était temps pour lui d’ajouter à l’amour privé, circonstancié et intra-mondain la dimension supplémentaire de l’amour en tant que composante substantielle de notre nature. De toute manière, pour ce qui regarde l’amour privé, circonstancié et intra-mondain, dont il avait médité le terme avec autorité, Roy Orbison ne pouvait dépasser la splendeur poétique de « Cryin’ » où l’on peut entendre :  « I love you even more than I did before/But Darling, what can I do ?/For you don’t love me/And I’ll always be/Cryin’ over you ». Il faut toujours prêter une attention non mesurée, une attention délirante à ceux qui savent chanter « You don’t love me », pas « You won’t love me » ni « You can’t love me » mais « You don’t love me », c’est là, Poire, ce que votre cœur peut crier de plus douloureux et de plus atroce. Roy Orbison, après avoir traduit définitivement le terme de l’amour privé, circonstancié et intra-mondain, a chanté l’au-delà de l’amour, qui est l’abandon, qui est l’amour en tant que composante substantielle de notre nature, l’amour en tant que composante substantielle et destructrice de notre nature, qui abrite en elle les moyens de sa propre destruction, qui favorise et ne prétend au fond qu’à sa propre destruction. En 1964, Roy Orbison, sur les mesures d’introduction de la chanson « It’s Over », chante « Your baby doesn’t love you anymore », en égrenant les syllabes de l’adverbe « anymore », ce qui a pour effet non seulement de créer une temporalité mais aussi d’annuler cette temporalité. L’amour qui passe s’achève et la possibilité de l’amour cesse, l’amour s’achève après s’être déroulé et la possibilité de l’amour ne se présentera plus. Après avoir vécu et chanté la perte, Roy Orbison se confronte à présent à l’abandon, c’est-à-dire qu’il se confronte au monde en tant qu’homme qui a dépassé ce monde, lui qui, finalement, résume et le style Italo-américain d’où il s’est inventé et l’espèce humaine dont il est une réussite absolue et en même temps terrible, Roy Orbison est une réussite absolue et terrible, il porte au plus haut l’idée d’être humain sensible mais c’est un coup fatal pour l’être humain en général. Ce coup est tellement mortel que les interlocuteurs de Roy Orbison dans la chanson de 1964 « It’s Over » ne sont pas des êtres vivants ni même des succédanés ou des inventions d’êtres vivants. En 1964, Roy Orbison s’adresse au vent, aux étoiles filantes, aux couchers de soleil, aux arcs-en-ciel et ceux-ci en retour s’adressent à lui en la plus formidable sentence métaphysique qui soit : « That’s all, that’s all ». La répétition de « That’s all », Poire, signifie que nous devons penser les deux sens de l’expression, à savoir que tout est fini, et que ce n’était que cela, l’amour et la possibilité de l’amour se sont éteints, et avec eux, la nature humaine, qui repose sur l’amour et que l’amour terrasse, la nature humaine ne signifie pas plus que l’amour qu’elle contient, qui l’anime et la perturbe à la fois. Poire, au nom de Roy Orbison, je vais maintenant vous ôter la vie en me servant de ce Magnum 45 à crosse modifiée, puis je me supprimerai. »

 

            Tout en discourant, Randall Webb avait continué de fixer les miroitements de l’eau. Alors, avec une rapidité et une présence d’esprit que je ne soupçonnais pas en moi, je le poussai dans le canal et m’enfuis. Lorsque je fus arrivé à la gare, je me rappelai soudain que la clef de la consigne devait être restée dans la poche du veston de Randall Webb. Je devais plaider mon cas devant la personne préposée aux consignes mais je ne la trouvai pas. A cette heure aussi avancée de la nuit, les officiers et les membres du personnel se faisaient rares ; des solliciteurs nombreux et très bruyants se disputaient les services des quelques malheureux qui travaillaient là cependant. Je m’assis sur un banc pour attendre mon tour quand une main glacée vint se poser sur mon épaule : « Poire, mon cher Poire, venez dans mes bras… Je n’en peux plus, tout cela m’épuise, vous allez me conduire à Jean Pop 2. » Randall Webb, son Magnum 45 à la main, pleurait comme un enfant et comme une vieille femme.

 

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