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7 avril 2005 4 07 /04 /avril /2005 22:00

             Pays rude mais accueillant, la Slovaquie avait été distinguée par mon ami Randall Webb pour servir de cadre à nos entretiens. J’ignore ce qui le lie à cette partie de l’Europe centrale, qui je l’avoue m’est parfaitement inconnue, et que je n’imaginais pas propre à ravir les sens de mon ami. C’est du moins là que nous arrêtâmes pour un temps notre périple. Nous eûmes à souffrir les lamentations de Legendre, décidé à n’obéir qu’à un seul maître, alors que l’étiquette exigeait de moi que je louasse ses services à Randall Webb. Même en doublant les appointements, je ne pus obtenir de Legendre qu’il accomplît ses tâches régulières. Alors Randall Webb, peu satisfait de mon manque de sévérité, représenta à mon valet les tortures qu’il avait infligées à lou reed, il laissa entendre que l’impertinence ne connaissait qu’un moyen d’être châtiée et que son bras pouvait s’abattre avec la même dextérité  sur lui ou sur des individus comme lou reed. Legendre, dont la nature était nourrie de toutes sortes de superstitions, considéra avec crainte les paroles de Randall Webb, et c’est de bien mauvaise grâce qu’il reprit son service auprès de nous.

            Nous passions nos après-midi séparément. Le soir seulement, nous nous retrouvions dans des circonstances toujours identiques et veillions fort avant dans la nuit claire de Bratislava. Nos entretiens, qui roulaient sur le thème de l’essence psycho-batave, ennuyaient bien vite les visiteurs occasionnels, et tous se retiraient sans attendre un signe de notre part. Trois heures s’écoulaient, et Randall Webb quittait la pièce richement meublée adoucie par le feu de l’âtre. Il gagnait alors un hôtel particulier, dont l’enseigne figurait un opossum mélancolique, en compagnie d’une jeune prostituée à la peau brune, qui n’était jamais la même. Je devais pendant ce temps vaquer à mes propres occupations et le rejoindre deux heures plus tard, équipé d’un dictaphone. Ce bizarre rituel pouvait s’expliquer de la manière suivante : comme il apparaissait que Randall Webb n’était ni plus brillant ni plus inspiré au terme de ses fornications, cette mise en scène devait m’être destinée, à moi seulement, qui étais le sujet de l’expérience. Randall Webb souhaitait donc que je le visse partageant sa couche avec une professionnelle du plaisir, afin que je comprisse deux choses : 1) son énergie était intacte 2) quand le sexe était en jeu, Randall Webb, tel Donald Fagen en 1976, convoquait les meilleures. Bref, il fallait que je saisisse l’exigence de la démarche. Quelquefois, Randall Webb m’appelait pour me faire assister à la fin de ses ébats, mais il était trop fier pour m’inviter à prendre sa place et je devais apprécier avec aigreur les prouesses de mon camarade, à qui cependant je ne reprochais jamais son attitude. Un de ces soirs de vexation, Randall Webb me sembla préoccupé. Après avoir raccompagné son hôtesse à la porte de l’hôtel, il revint et me désigna un portefeuille vert sombre placé en évidence sur un guéridon dessiné par le grand Boulle. Il me dit d’en examiner le contenu. Je découvris une photographie pâle sur laquelle cinq jeunes gens, quatre alignés et le cinquième à mi-hauteur au centre, fixaient avec beaucoup de concentration et de calme l’objectif. Leurs tenues étaient noires, leurs cheveux indiquaient avec certitude que nous étions en 1965, l’année des chefs. Ce qui me sidéra immédiatement était la perfection du maintien, la discipline gestuelle dont faisaient montre les cinq personnages, et l’un d’entre eux, le cinquième, ressemblait trait pour trait à Franz Kafka, pourtant originaire de Prague. A les contempler tous les cinq, je sus que j’étais en présence d’une icône de type psycho-batave, je pouvais entendre une musique rapide, fine et féroce, une musique dont la gloire et la vérité pouvaient rendre fou, une musique dont vous et moi Jean Pop 2 connaissons le prix insigne et qu’il faut guetter imperturbablement chaque fois qu’elle se manifeste. Je levai les yeux et Randall Webb articula avec précision : « Vous tenez entre vos mains, Poire, un cliché psycho-batave de Larry & The Blue Notes ».

 

 

            J’en perdis le souffle. « Savez-vous, Poire, qu’il ne se passe pas un seul jour sans que j’examine cette obscure photographie ? J’aimerais pouvoir situer les émanations du génie sur les corps de ceux qui l’ont porté, à moins bien sûr que la perfection des traits et de la pose ne soit à l’origine du génie. Larry & The Blue Notes, auteurs de « In And Out » et de « Night Of The Sadist », sont originaires de Fort Worth : la scène de Fort Worth, Poire, est la plus conséquente de toutes les scènes, et vous ne devriez pas mourir avant d’en connaître chaque nom. Mais, sachant que vous êtes peu avancé, en tout cas beaucoup moins que votre mentor Jean Pop 2, il y a peu de chance pour que vous atteigniez cet idéal. Vous devrez alors déléguer à vos enfants, surtout à vos bâtards qui seront plus nombreux, cette tâche noble et prométhéenne. J’ai cependant de l’estime pour vous, car Larry & The Blue Notes, je le sais, vous sont familiers et comptent parmi vos favoris. Heureux choix, M. Poire, heureux choix ! C’est objectivement, dans l’absolu, que Larry & The Blue Notes incarnent le style psycho-batave, on ne saurait chercher plus fidèles représentants de la pure béatitude psycho-batave. J’espère que l’emploi du terme « béatitude » ne vous choque pas, il ne veut pas dire, loin de là, que je suis sous l’emprise d’une drogue psychédélique. Mon vocabulaire peut être imprécis. « In And Out » ! Rendez-vous compte : IN AND OUT ! Pourquoi mon ami Boulter Lewis ne l’a-t-il pas mentionné dans son fameux article sur l’Orgue du Fantôme ? Ce motif d’orgue arabisant convient à la description élaborée par Boulter, mais il est vrai qu’il sert un propos peu délicat, peu enfantin, qu’un officier de police préfère escamoter. Quand Larry rugit « Come on Baby », pensez-vous qu’il supplie ou qu’il soumet la fille récalcitrante ? Parce que, voyez-vous Poire, non seulement le ton resterait le même dans les deux cas mais en plus, ces deux comportements sont souvent corrélatifs. Alors je m’interroge. Il peut se passer vingt bonnes minutes avant que je mette fin à mes objurgations, avant que j’entreprenne l’affaire ; j’attends de ma partenaire qu’elle ne mette rien à exécution tant que le cri n’est pas poussé correctement, le « Come on Baby » de Larry doit être imité sans détour puisque c’est par lui, et lui seul, que l’opération sera psycho-batave, et je ne veux plus de caresses italo-américaines, je veux le sexe psycho-batave, celui que Larry & The Blue Notes ont créé. M’avez-vous observé en phase d’action ? Si intérieurement vous raillez ma pratique, soyez certain que j’ai manqué le cri, tout part de lui, vous pouvez me croire, lorsque je donne le sentiment d’accomplir avec succès la tâche impartie, c’est que j’ai approché le hurlement de Larry, le « Come on Baby » de « In And Out » ! Quant à vous, mon ami, puisque ceci ne vous était pas connu, pas sous cet angle en tout cas, eh bien vous n’êtes pas un étalon psycho-batave : devenez-le. »

 

     Randall Webb doing The In And Out!

           

           Une fois rentré, je retardai le moment du coucher et repassai dans ma mémoire les principaux thèmes développés par Randall Webb. Son accusation finale ne m’avait pas blessé outre mesure, je savais qu’il avait raison et que ma jeunesse m’empêchait d’accéder à la vérité du sentiment. Je me promis d’y remédier en temps voulu, mais je disposai déjà d’un élément que ni vous ( ?) ni moi ne soupçonnions. Le psycho-batave déborde de la sphère de la création, il s’immisce dans nos pratiques, enlumine nos actes et modèle notre vigueur.

 

Bien à vous, Jean-Pierre Paul-Poire

 

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4 avril 2005 1 04 /04 /avril /2005 22:00

     Ecrire comme un pédé progressif exige un entraînement quotidien tant sur le plan stylistique que sur celui de la méthode. Nous dissocierons, peut-être artificiellement, ces deux aspects le temps d’exposer les principes d’une telle écriture, dont le lecteur vérifiera la validité en se reportant au premier texte sur Buddy Holly. Nous terminerons par une série d’exercices à la difficulté croissante. Notez enfin que nous évoquons le style pédé progressif, et pas la musique pédé progressif, qui dans de nombreux cas reste ignorée des principaux intéressés.

 

1. Valeurs et références/Rapport aux autorités

 

            Un premier élément est la nécessaire dévotion au revival pop en Angleterre, incarné par le groupe the smiths. Comme the smiths ploie tout entier sous la personnalité morbide de leur chanteur morrissey, leurs admirateurs sont bien souvent aveugles à l’indigence sonore de leurs disques, passée l’année 1983. Mais au lieu de discuter la qualité musicale de the smiths, je préfère attirer l’attention sur les conséquences psychologiques de cette adhésion sans réserves. Le thuriféraire de morissey se forge bien rapidement une idée non-musicale, dogmatique, de la pop music. Pour lui, celle-ci doit être claire, littéraire, mélodieuse et surtout pathétique. D’où son goût pour les baladins tristes, tels michel stipe ou nic drake, et même Ian curtis. Evidemment toute joie connote l’abrutissement. Cependant, le pédé progressif, obnubilé par la ville de Manchester, avoue un penchant pour la musique disco de the new order et the happy mondays : il la justifie invariablement par la « mélancolie » qui émanerait de leur variété prolétaire. Ainsi the pet shop boys et the pulp se trouvent aussi rachetés. Bientôt il devient urgent de célébrer les pères, qui appartiennent aux années 1960 et qui seraient pour la plupart « méconnus ». De grands groupes comme The Kinks ou The Left Banke ont été honorés, en raison de leur munificence mélodique et orchestrale. En revanche, des mensonges tels que the velvet underground ou nic drake ont été colportés : les pédés progressifs louent chez eux des qualités morales, des poses esthétiques, mais pas la musique. L’autre repère pour les années 1960 est constitué par The Beach Boys. Encore doit-on limiter The Beach Boys à l’album « Pet Sounds », et élargir pour les plus dogmatiques pédés progressifs à « Smiley Smile », qui fait naître de laborieuses dissertations sur le thème de l’infinitude. Pourquoi ? « Pet Sounds » a été réalisé presque sans le concours des autres membres du groupe, qui tournaient au Japon, patrie de The Spiders. C’est donc l’œuvre d’un génie solitaire, en phase de repli, qui souhaite faire oublier la prétendue frivolité de ses précédents disques. Pour un pédé progressif, Dennis Wilson n’existe tout simplement pas. Le mythe « Pet Sounds » relève également de la mystique de l’en-soi et du pour-soi, telle que la pratique le pédé progressif, qui apprécie qu’un disque douloureux soit enregistré par un groupe apparemment niais. De même, le cinéaste Jacques Demy qui œuvre dans le plus sentimental des genres, la comédie musicale. Tout pédé progressif est fier de pouvoir déceler dans ce que d’aucuns jugent mièvre, une profondeur insoupçonnée. Ah ! Ah ! le dispensable andré gide l’écrivait à propos de La Bruyère : « Si claire est l’eau de ses bassins qu’il faut se pencher longtemps au-dessus pour en comprendre la profondeur ». Tout à fait pédé progressif comme analyse : pas de complexité affichée, pas de simplicité affichée, mais une complexité tapie dans la simplicité.

En vieillissant, le pédé progressif diversifie son approche ; son dogmatisme, qui est, malgré tout, ce qu’il a de meilleur, s’effrite. Soucieux de ne rien perdre du monde qui l’entoure, notre ami se fourvoie dans le piège new-wave/chanson française/musique électronique islandaise/trip-hop viennois/néo-folk WASP. Dans son irrésistible ascension vers la Culture, le pédé progressif ne nourrit plus aucune exigence et c’est là qu’il cesse de nous intéresser. En proie en doute, il revisite l’Histoire mais, hélas, tout le porte à ne privilégier que les très grandes gloires de la radio : il se demande ainsi sérieusement si the carpenters est un excellent groupe (« si claire est l’eau de ses bassins… »), pensant que la question présente un intérêt alors qu’elle n’en a absolument aucun ; il se trouve malin lorsqu’il souligne les mérites irréels de aba et de the 10sissi ; il résume la soul-music à une rivalité Stax/Motown. Laissons-le barboter dans son ironie et son inculture, et avançons dans la connaissance du style pédé progressif.

 

                   biorc allant chercher des provisions, surprise par des papparazzi

 

2. L’écriture : L’emploi des références/Procédés et progression

 

            N’oubliez pas de convoquer les références sus-mentionnées chaque fois que l’occasion se présente. Faire miroiter son savoir, si exigu soit-il, permet d’en dissimuler le caractère lacunaire. Alors n’hésitez pas et gardez à l’esprit que pour un pédé progressif, les équations suivantes prévalent : -velvet underground : groupe mature pour initiés

-         The Kinks : groupe pittoresque d’Angleterre, maître en mélodies

-         The Left Banke : groupe américain intelligent et raffiné

-         Scott Walker : comte Dracula

-         nic drake : poète élégiaque

-         Love : précurseurs de The Pale fountains

Cela devrait suffire pour commencer. Il est possible d’exceller dans le style pédé progressif avec un ensemble de dix références sixties, simplement. Le reste est jeté dans la fondrière du garage-rock, qui comme chaque pédé progressif vous le dira, prépare le mouvement punk londonien de 1977, lui-même annoncé par the new york dolls, le groupe préféré de morrissey –tout se tient. En revanche, et là votre auteur confesse qu’il en sait bien peu sur le sujet, soyez experts dans la new wave, le label 4ad et les disques sarah records : le pédé progressif, au meilleur de sa forme, se souvient de the feelies, the sad lovers and giants et the bradford. N’allez pas jusqu’à les réhabiliter, car ce serait méconnaître la nature essentiellement conservatrice du pédé progressif, qui ne réhabilite que les Grands. Par les temps qui courent, nous vous conseillons de miser sur the cure, groupe du « trauma adolescent ». Quelles seront vos références pour les années 1990 et 2000 ? Sans trop rentrer dans les détails (pour la période 1990/1995, engouement pour le rien acoustique redneck, emblématisé par vic chessnut), vous pouvez tout citer pourvu que ce soit électronique, pensif, invertébré, anti-Bush, modeste, authentique, feutré et comme parfois, il est nécessaire de passer pour un mondain aisé et pas coincé, ouvert d’esprit, montrez que vous aimez la musique de club « hédoniste » (c’est bien le mot) et les beats « acérés et lubriques » du hip-hop… anglais. Voici pour conclure sur ce point 4 noms intouchables : biorc, the rem, the radiohead, bec.

 

tom york de the radiohed 

 

            Quelques procédés d’écriture s’imposent maintenant. Je ferai vite, en me contentant d’indiquer ce qu’il convient de faire, sans le justifier. En ce qui concerne la structure qu’il vous faut adopter, il existe deux règles : déployer en introduction une toile de fond culturelle/ terminer par un trait d’humour ou de poésie. Si vous respectez ces deux règles, vous pouvez alors librement concevoir le reste de votre article. Ne perdez cependant pas de vue qu’un bon disque de pédé progressif est fondé sur un contraste entre l’être et le paraître. Aussi vous devrez à un moment ou un autre articuler une opposition, voire un paradoxe, par exemple opposer la douceur des mélodies à la cruauté des paroles. Ce genre de mélange est prisé par le pédé progressif. Servez-vous de métaphores et de comparaisons, afin de laisser sentir votre bagage littéraire : un tel sera un « cancre », parce qu’il n’enregistre pas ses disques avec les mêmes moyens que fil collins, un autre sera un « savant fou » parce qu’il a brisé l’uniformité d’un rythme… Ensuite, ne mesurez plus votre ardeur et multipliez les hyperboles ironiques : « à l’écoute de pareilles merveilles, on réclame illico la reformation de the velvet underground avec le bassiste de belle et sébastien à la composition ». Vous pouvez aussi, comme dans le premier article sur Buddy Holly, employer dans une même phrase le pronom personnel indéfini, qui donnera une allure de vérité générale à ce que vous écrivez, et le futur de l’indicatif, qui grave dans le marbre votre réaction ou votre jugement : l’effet est typiquement « pédé progressif ». Pour finir, vous devez suggérer que tel album est si riche qu’on n’en finira jamais de l’explorer, que celui-ci ouvre des pistes pour les dix années à venir, bref que ce n’est pas une mince affaire. Voilà tout ce dont vous avez besoin : les travaux pratiques vous attendent.

 

 

3. Travaux pratiques 

 

 

Exercice 1.

 

Parmi ces phrases, laquelle sort de la plume d’un pédé progressif. Justifiez.

a) ce disque marque l’apogée du style doo-wop

b) c’est ainsi et pas autrement

c) le spleen prend d’assaut le dance-floor

d) c’est Marshall à fond

 

Exercice 2

 

Complétez la proposition suivante par une référence de pédé progressif.

 

Depuis …, jamais le songwriting n’avait été poussé si loin dans l’exposition des blessures et des fêlures.

 

Exercice 3

 

Inventez une opposition pour défendre un album solo de guy chadwique ; trouvez un poncif biblique pour encenser le dernier disque de nic cave ; mettez en rapport la musique de the radiohead et leur engagement politique : dites qu’il s’agit d’un « rock politique », et citez des précédents.

 

Exercice 4

 

Donnez 4 qualités pédé progressif de the kills. Imaginez l’ordre dans lequel vous les présenteriez.

 

 

Exercice 5

 

Ecrivez votre article pédé progressif sur le groupe de votre choix (prix pour le meilleur). Bon courage !

 

 

POSTEZ NOUS EN COMMENTAIRE LE RESULTAT DES EXERCICES, EN PARTICULIER L’EXERCICE 5. PROCHAINEMENT, POUR LES PLUS JEUNES, LE STYLE VIEUX LOUP.

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3 avril 2005 7 03 /04 /avril /2005 22:00

Yeah. Nombreux sont les lecteurs qui nous écrivent pour demander de plus amples informations sur les catégories psychologiques révélées par notre test de personnalité. Les définitions alors proposées n’ayant pas étanché votre curiosité, nous donnons à lire les jugements pédé progressif, vieux loup, italo-américain et psycho-batave sur le grand Buddy Holly, chanteur assez fameux pour être connu de nos quatre protagonistes. Nous espérons qu’une parole vive, davantage qu’une abstraction analytique, témoigne de la psychologie de ses locuteurs.

 

Buddy Holly et le pédé progressif

 

            « Buddy Holly, c’est l’Amérique fifties en technicolor, qui pense dans sa majorité que le rock est la musique du diable. Ses chansons évoquent les Buick et les bals de promotion, tout un univers de prospérité et d’innocence dont il faudra attendre David Lynch pour qu’il laisse percer son inquiétante étrangeté. Parce que depuis Blue Velvet, plus moyen de regarder ce monde sans en flairer la pourriture masquée. On sera ainsi saisi de terreur à l’écoute de l’apparemment anodin Everyday, qu’on imagine chanté à tue-tête par un Dennis Hopper fou à lier. Mais Buddy Holly est surtout l’un des inventeurs de la pop, et dans son personnage de frêle escogriffe à montures carrées, on devine l’éclosion future de jonathan richman et de ron sexsmith. Chez lui, comme chez ses héritiers, la tendresse n’est jamais éloignée de la fêlure. Derrière ces mélodies acidulées, ces paroles naïves (lou reed est encore étudiant), les peines de cœur affluent, les drames forment un horizon secret que l’on n’a pas fini de sonder. »

 

Buddy Holly et le vieux loup

 

            « Buddy est un bon gratteux, même s’il n’est pas de la trempe de Link ou de Bo. En revanche, ses chansons sont construites très finement et son interprétation assimile de façon personnelle le style rockabilly. Pourtant Buddy est un cœur tendre et c’est ça, justement, son côté romantique, qui le rend si particulier. Ses ballades vous accompagnent dans les moments difficiles, Buddy est penché sur votre épaule lorsque votre girlfriend s’est barrée, c’est lui qui vous console. Ce mec, que la mort a fauché dans un avion avec Ritchie et comme Otis, plus tard, ce mec en savait long sur la vie. Et puis c’est pas pour rien que Lennon lui a volé son look, que Bobby Fuller lui a emprunté son jeu de guitare : Buddy est un putain de mythe pour les vrais tombeurs. »

 

"Mickael Jackson is a model citizen" Buddy Holly

 

Buddy Holly et l’italo-américain

 

            « Parce qu’elle véhicule une bonne image de la vie, je peux laisser ma femme et mes enfants écouter la musique de Buddy Holly. La clarté et la discipline de ses chansons me rappellent que l’Amérique abritait jadis de formidables ateliers d’écriture, que des jeunes hommes très convenables, aux cheveux courts, aux costumes soignés, s’y trouvaient réunis, animés par un commun professionnalisme et une égale passion pour l’art. Certes Buddy Holly n’a pas triomphé comme Elvis Presley, et son art n’a jamais revêtu les dimensions pharaonesques des chansons de Roy Orbison, le seul connaisseur du cœur humain. Néanmoins, une chanson comme Valley Of Tears, la plus grande jamais chantée par Buddy Holly, condense tout ce qui fait le génie lyrique, en ce que la détresse qu’elle exprime conserve sa dignité. On mesure ce qui sépare l’éducation de Buddy Holly de la nullité crasse  de jeferson airplane. »

 

 

Buddy Holly et le psycho-batave

 

            Buddy Holly a écrit, joué et chanté des chansons courtes, rapides, rythmées par la guitare, peu mais exactement arrangées, habitées par le souffle mélodique, portées par le jeu net et lumineux des instruments, parfois renforcées de chœurs virils, traitant sans ironie de thèmes universels, principalement l’amour. Buddy Holly est un prince.

 

 

 

Yeah. Si les nuances n’apparaissent qu’au prix de grands efforts, nous procèderons avec plaisir à une étude de texte. Pour cela, écrivez-nous afin de nous indiquer les passages problématiques.

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3 avril 2005 7 03 /04 /avril /2005 22:00

Talkover

Douglas Fowley, père de Kim, inventeur du rap

Jeanpop2 et M. Poire, hommes du langage, se sont intéressés ce soir à ce moment délicieux pendant lequel un chanteur descend des cimes lyriques pour parler : présentation d'un personnage ou d'une intrigue, un hommage ou préparation à l'envol du refrain.

Kim Fowley "Animal man"

The Soul Agents "I'm still mad at you"

006 "Like what me worry?"

Chairmen Of The Board "Men are getting scarce"

Millie Jackson "All I want is a fighting chance"

Bobby Womack "That's heaven to me"

The Shangri-las "Dressed in black"

The Whyte Boots "Nightmare"

The Everly Brothers "Ebony eyes"

Little Willie and the Adolescents "Get out of my life"

The Starfires "I never loved her"

The Debonaires "Never mistaken"

Geoff Godard "Sky men"

Dr John "Danse Fambeaux"

Question Mark and the Mysterians "Girl you captivate me"

Clarence Reid "Send me back my money"

Carla Thomas "You've got a cushion to fall upon"

Ann Peebles "Give me some credit"

Bo Diddley "Ooh baby"

The Charms "Coming back"

Freddie Scott "Just like a flower"

The Kinks "Big sky"

Vous pouvez écouter l'émission en direct tous les mercredis de 20h à 21h30 sur le site de radio campus Orléans (voir les liens). Vous avez grand intérêt à le faire. 

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29 mars 2005 2 29 /03 /mars /2005 22:00

Expérimentation

Non, le J*** n'a pas le monopole des tatônnements musicaux et les recherches sonores ne sont pas l'apanage de musicologues en blouses blanches. C'est la thèse que défendaient Jeanpop2 et M. Poire avant d'apprendre la mort affreusement comique de MM. Becquerel, Lesec et Landive, intoxiqués à bord d'un avion étranger.

Jason Eddy and the Centremen "Singing the blues"

Dean Carter "Jailhouse rock"

Jay Bees "Goodtimes" 

Andre Williams "Bring me back my car unstripped"

Slim Whitman "Song from the old water wheel"

Commonwealth Jones "Do do do"

The Misunderstood "Find a hidden door"

The Electric Prunes "Sold the highest bidder"

Wimple Winch "Lollipop minds"

The Wanted and co

The Easybeats "See line woman"

I Principi "Verra"

The Painted Ship "And she said yes"

The Chants R&B "I want her"

The Quickest Way Out

Soul Inc? "The Alligator"

The Showmen "So far away"

Kenny and the Kasuals "Chimes on 42nd street"

The Outsiders "Strange things are happening"

The Smoke "Odyssey"

Sonny Day

Billy Ward and the Dominoes "The bells"

The Beach Boys "Transcendental meditation"

 Vous pouvez écouter l'émission en direct tous les mercredis de 20h à 21h30 sur le site de radio campus Orléans (voir les liens). Vous avez grand intérêt à le faire. 

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28 mars 2005 1 28 /03 /mars /2005 22:00

            Je comptais parmi mes amis un vieux loup de belle prestance, l’officier Samuel Browne, qui, pendant des années, me prenait régulièrement à partie : « Mec, tu devrais écrire sur Sky, expliquer aux kids qu’il a été à l’origine du punk-rock, qui est un état d’esprit ». J’avais beau lui rétorquer que mes recherches étaient d’une nature différente, que The Moguls et The Benders avaient mes faveurs, Browne revenait à la charge, sans rien varier de sa requête initiale : « Mec, tu devrais… ». Mais aujourd’hui, par égard pour l’officier Browne, qu’une opération de police a blessé mortellement la veille de son anniversaire, je livre ici quelques considérations neuves sur The Seeds, en espérant qu’elles ne me séparent pas de l’objet réel de mes investigations et en priant pour que Browne, où qu’il soit, puisse entendre et se réjouir de cette évocation.

            Rien ne me porte à chérir un groupe tel que The Seeds. Comme leurs voisins texans, The 13th Floor Elevators, The Seeds est le fruit d’une conspiration musicologique que le passage du temps a fortifiée. Les vieux loups, qui ont fait l’histoire et auxquels manquera toujours un brin de jugeotte pour revisiter celle-ci, ont en effet tiré grand bénéfice du style de The Seeds, en étendant la singulière incompétence et idiotie musicale du groupe à l’ensemble de l’esthétique garage. Ainsi ceux qui n’entendent rien au rock garage, les pédés progressifs, qui cachent en vérité les idolâtres les plus acharnés du journalisme  et de l’histoire officielle, vous citent sans broncher The Seeds comme représentants avérés d’un genre que de toute manière ils ne comprennent pas et dont ils estiment être suffisamment au fait pour affirmer que les groupes garage sont ceux qui reprennent « Louie Louie ». Nos modernes aristotéliciens manquent de finesse. La musique de The Seeds ne sert en rien de mètre-étalon au rock garage, et l’on pourrait aisément, à l’écoute de quelques titres, ranger Sky Saxon et ses comparses du côté des rébarbatifs The Shadows Of Knight. Hélas, The Seeds ont fait oublier les véritables maîtres du garage angeleno, je veux bien sûr parler de The Starfires et de The Hysterics. Que Samuel Browne me pardonne.

 

"Don't do harm to Michael Jackson" Bette Davis 

 

            Cependant…Quelque chose, qui n’est pas la grâce mais plutôt le Tragique, intervient dans l’œuvre de The Seeds, et ce, lorsque le groupe est encore plus débilité que de coutume, pendant la funeste année 1968. The Seeds publient alors Future, qui achève la déréliction psychédélique de leur musique et laisse loin derrière la raucité inquiétante de « Nobody Spoil My Fun ». Dans leur mort, The Seeds trouvent néanmoins le courage de composer une chanson bouleversante qui les fait soudain accéder à la dimension du Tragique, jamais très éloignée de l’idiotie si l’on y réfléchit. « Painted Doll » vaut à elle seule que l’on reconsidère les poncifs vieux loup que l’on colporte au sujet de The Seeds. Cette ballade jouée pauvrement, ponctuée par les phrases simples et obsessives de l’orgue, enjolivée par un chœur timide et amical, reflète la beauté particulière des cloîtres italiens, elle me fait songer combien Sky Saxon est un frère heureux de l’ordre de St François d’Assise, dont le chevrotement consacre à la fois la bonté animale et l’enfance perpétuelle. L’avez-vous vu interprétant « Painted Doll » pour la télévision américaine ? La pantomime de Sky Saxon, mi-jack-in-the-box, mi-floraison, fait plus que confirmer le charme franciscain de la chanson, elle l’augmente d’un autre imaginaire, plus spécifiquement hollywoodien, celui que donnait à voir le film gothique sudiste « Whatever Happened To Baby Jane ? », où la poupée est le vecteur de l’horreur et de la séquestration mentale.  Alors The Seeds réussissent à fondre dans une matière unique deux époques, deux lieux, deux traitements, celui, doux et humble du disciple de St François, celui, violent et triste de Bette Davis, d’un même événement tragique, l’homme qui veut rester un enfant.

            Samuel Browne était un homme, nul ne dira le contraire. Mais je veux qu’il sache que son mentor, lui, ne l’était pas, ou bien, à son corps défendant. Quant à savoir si The Seeds relèvent de la catégorie psycho-batave, nous les abandonnons à vrai dire bien volontiers à l’adoration des vieux loups. Bien à toi, Samuel.
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28 mars 2005 1 28 /03 /mars /2005 22:00

J’étais invité par la société d’alpinisme de la ville de F*** à  lire une communication sur l’ascension périlleuse que j’avais faite du mont Ruckenbrook. Legendre, comme à son habitude, n’avait pas démérité dans sa recherche du logement le plus pratique et le plus confortable, et je pus ainsi rapidement m’atteler au classement et à la mise en forme de mes notes relatant cette fabuleuse aventure. Je trouvai également le temps de faire parvenir un télégramme à Randall Webb, et fixai notre rencontre pour le jour suivant mon installation à F***, qui devait précéder d’un jour ma conférence. La réponse ne tarda point, me laissant apprécier la ponctualité et l’urbanité que Randall Webb avait retirées de sa longue pratique du garage rock psycho-batave. Grâce lui soit rendue, son rayonnement me permit de dormir tout mon soûl, de sorte que je ne fus jamais mieux portant que ce matin où je partis l’attendre, comme nous l’avions convenu, au bord de la fontaine aux chouettes du jardin du prieuré. Au bout de quelques minutes, une forme masculine se dessina dans le taillis. Elle fit s’envoler sur ma gauche trois pinsons venus boire à l’eau de la fontaine.

            L’homme s’approcha, et sans même me saluer autrement que par un discret hochement de tête, m’apprit qu’il était venu dans l’intention d’éclairer la jeunesse sur l’essence psycho-batave. Il dardait de petits yeux hostiles derrière ses montures rectangulaires bleutées. Je ne savais que trop à qui j’avais affaire, mais plusieurs individus pouvaient connaître l’infortune de partager une semblable physionomie. Aussi je demandai à qui j’avais l’honneur d’être si peu présenté. L’homme se rembrunit : « C’est une plaisanterie ? » Sa réaction et la froideur du ton me renseignaient assez. Pourquoi Dieu m’avait-il mis en présence de l’être le plus louche qui soit, et dont l’action pernicieuse, depuis quarante années, pouvait d’un coup saper toute ma recherche ? Pourquoi, en ce clair après-midi, devais-je rencontrer lou reed ? Ce dernier, séduit par ce qu’il croyait être une facétie de ma part, décida pour une fois, et pour mon malheur, d’être volubile. Alors je dus endurer l’évocation pénible de delmore schwartz, de jack kerouac, de poésie urbaine, de new york city, de paul morrissey, de gérard malanga, de joe dalessandro, de la factory, de masochisme, de stupéfiants et d’inceste. Je profitai d’un répit dans sa logorrhée pour le prier de partir : « écoutez, cela ne m’intéresse pas, allez trouver patrick eudeline, lui sera sensible à votre prétention et à votre poésie en cuir, et puis j’ai rendez-vous, vous risquez d’effrayer la personne que j’attends ». Je devais plus tard me repentir de cette interruption, car elle mit lou reed en fureur, et celui repartit de plus belle sur la transgression, la subversion, l’artifice, l’incompréhension devant la violence de son art, l’audace de ses conceptions sexuelles, son attachement égal à la littérature et au rock, qu’il a été le premier à faire se rencontrer, son expérience de la décomposition à travers la drogue et la mort. Il me jura que toute son œuvre définissait point par point ce qu’était l’essence psycho-batave. Horrifié, je m’apprêtais à quitter le lieu du rendez-vous quand une voix autoritaire retentit derrière mon épaule : « Ne craignez rien, M. Poire, je connais le moyen de nous débarrasser de fâcheux comme lui ». C’était bien sûr Randall Webb.

 

lou reed en 1982

 

 

            "Monsieur, vous avez prétendu dans une de vos chansonnettes hippies que le Rock'n'roll a sauvé votre vie, et je vais vous punir de l'avoir non sauvé, mais sali (en français que vous êtes) pendant plusieurs décennies que vous et votre descendance purulente et hagarde n'avez que réussi à rendre interminables et grises. Commencez par baisser le regard s'il vous plait. Que savez-vous de l'essence psycho-batave? Vous dont chaque mouvement ne traduit que le calcul le plus indigne, en cela de mille lieues éloigné de ce souteneur de génie qu'est Kim Fowley, unique véritable prince du trottoir dont vous n'avez jamais entendu parler pour cause de fréquentation assidue de faux lettrés incapables même de faire de l'argent avec leur attirail sado-homo-bouquiniste... Silence, homme mal aimable, laissez-moi poursuivre! Par opposition à votre imaginaire atrophié, dénué d'humour comme de véritable danger, Kim Fowley est celui qui soude ces deux pôles, bien plus que le bouffon Screamin' Jay Hawkins, le fade Screaming Lord Sutch ou le comiquement excrémentiel vous. Le rire de Kim Fowley, jamais formulé, lave souterraine, confère à ses productions la panique essentielle propre à ses sulfureuses visions dont vos rêves frigides ne vous livreront jamais le secret! Taisez-vous, homme de peu! Mauvais manipulateur! Mauvais bateleur!

            Regardez-vous. Votre vieillesse, immémoriale, se dévoile enfin au plein jour. Vos rides n'évoquent ni l'expérience du contre-maître, ni la fatigue du seigneur. Vos allusions culturelles, dictées par vos congénères homoïdes, dégagent la même odeur de tombeau que votre bouche caverneuse, à ce qu'en disent vos multiples gitons. Que dites-vous? Votre songwriting? Econome? Clair?? HAHAHAHAHAHA!!! Entendez-vous les mots que profère ce faciès de tortue, M. Poire?

            - Hahahahaha!!!

            - Prenez déjà ceci !(Randall Webb lui asséna alors un crochet dans le ventre) Sachez que les voyants, ceux de la trempe de M. Poire, Jeanpop2 Lui-même ou M. Sweign, ont très bien compris, et ce depuis fort longtemps, votre petit jeu de substitution, qu'il s'agit maintenant de révéler au monde : tout ce que vous avez commis était une piètre tentative d'atteindre au génie de votre maître et bourreau, je veux bien sûr parler de Reg Presley, l'âme de The Troggs, sublime groupe vieux loup capable à la fois de raffinement italo-américain et d'abandon psycho-batave! La ferme, fille de joie! Reg Presley, idiot merveilleux, hante vos nuits, et ce non seulement pour l'attirance putride qu'il provoque sur votre vieux corps répugnant, mais parce qu'il détient les clefs de l'économie essentielle qui vous a toujours fait défaut! Avez-vous seulement été capable d'imaginer un vers aussi pur que "I want to spend my life with a girl like you"? Non! Vous avez cru faire vibrer la corde ténue du sentiment humain avec vos bavardages régionalistes! Vous êtes à New-York ce que la musette est au pays dans lequel nous nous trouvons : un bubon! Vous ne parviendrez jamais à la ligne claire et l'universalisme de "I just sing" ou "Give it to me", d'une part parce que c'est vous le véritable idiot (il inséra alors son couteau dans la narine poilue de son interlocuteur) et parce que vous ne méritez que de subir les sévices que vous chantez de si loin, porc!" (il retira alors son canif d'un mouvement sec, déchirant le nez sclérosé de la bête)

 

            lou reed s'écroula en gémissant comiquement. Randall Webb le releva par le col pour lui lancer un uppercut impressionant, puis il lui écrasa la tête avec son pied. Je me contentai de quelques coups bien placés dans les tibias. Justice était enfin faite.

 

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16 mars 2005 3 16 /03 /mars /2005 23:00

Aristocratie

Jeanpop2 et M. Poire furent seuls ce soir-là pour traiter avec brio du sujet du fantasme aristocratique dans le rock des années 60. Bien sûr, leurs réflexions nous menèrent encore une fois loin et au-delà des sentiers rebattus de la critique rock "classique", vieille louve lesbienne progressive.

Sermon de Jeanpop2

King Khan "Torture"

The Kings Ransom "Shame"

Freddy King "One hundred years"

The Impressions "Minstrel and Queen"

Erma Franklin "The right to cry"

I Kings "Trovane un altro"

The Charles "Motorcycle"

Screaming Lord Sutch "Jack the ripper"

The Landlords "I'll return"

New Colony Six "The time of year is sunset"

Les Fleur De Lys "Mud in your eye"

Scott Walker "Duchess"

The Marquees "Marquees theme"

The Buckinghams "I've been wrong"

James Knight and the Butlers "I love you"

The Noblemen "Short time"

The Noblemen "She thinks I still love her"

Sir Henry and his Butlers "Jenny take a ride!"

Sir Latimore "I do the jerk"

Sir Walter Raleigh "Tomorrow's gonna be another day"

Sir Winston and the Commons "We're gonna love"

Count Five "Peace of mind"

Young Aristocracy "Look and see"

Vous pouvez écouter l'émission en direct tous les mercredis de 20h à 21h30 sur le site de radio campus Orléans (voir les liens). Vous avez grand intérêt à le faire. 

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14 mars 2005 1 14 /03 /mars /2005 23:00

          Boulter Lewis

 

Ecarté du circuit universitaire, hostile à toute publication, Boulter Lewis, dont la méditation ininterrompue sur l’essence psycho-batave lui vaut cependant une audience internationale, est un ami personnel de Jean Pop II. Né en 1943, Boulter Lewis est depuis vingt-cinq ans officier de police dans la ville de Concord, Massachussets.

 

            

Quand nous parlons de l’orgue du fantôme, tel que celui-ci résonne dans « Shades Of Blue » de The Werps, nous ne visons pas l’insuffisance technologique dont pâtit un groupe tout à fait inconnu lorsqu’il enregistre sa chanson dans l’année 1965. Nous ne moquons pas une curiosité esthétique datée, un bourdonnement amusant pour amateurs de pacotille. L’orgue du fantôme, aussi durablement que j’ai pu fixer mon esprit sur lui, m’apparaît comme le signe tardif et néanmoins exact d’un imaginaire national.

 

Les plus jeunes connaissent Sam The Sham  & The Pharaohs, peut-être ont-il méconnu The Topsy Turbys : dans les deux cas, il s’agit de turbans, mais les seconds sont les seuls à invoquer le véritable orgue du fantôme. Et cette invocation légitime ce qui chez les premiers paraît suspect. Je veux dire que grâce à ses parties d’orgue, « Topsy Turby » se rattache au grand motif imaginatif du Séduisant Oriental, que nous identifions chez des romanciers tels que R.L. Stevenson et Wilkie Collins. L’imaginaire colonial de la Grande-Bretagne comporte d’autres motifs qui tous allient l’énigme, l’érotisme et le sens du passé et de l’enfance. Bien mieux, tous les motifs dessinent un fantastique subtil et domestique. Ainsi l’admirable réussite de la Hammer : « La Malédiction Du Tombeau » où chaque lieu, chaque partie du décor atteint au confort absolu par son mélange de modestie et de maladresse. Ce sont les cachettes de l’enfance, de dimensions réduites, jonchées d’objets colorés et hétéroclites, entourées de la nuit amicale. « Shades Of Blue » de The Werps doit beaucoup au cinéma de Terence Fischer, mais également à certaines réussites de Michael Powell et Emil Pressburger, dont « Le Narcisse Noir ». Mais quelque chose, qui est la mélodie descendante en accords majeurs, hisse la chanson de The Werps au-dessus des autres chefs-d’œuvre de l’orgue du fantôme, je songe à « Wait & See » de The Solid State, « Look & See » de Young Aristocracy, « Tiger Girl » de The Tigermen. Par le seul enchaînement des notes, le choix d’une progression réellement égyptienne, The Werps renouent avec les fondements sublimes de l’imaginaire colonial britannique.

 

 "Free Michael Jackson!!!" The Topsy Turbys 

 

Le Slave Ombrageux n’est pas la moindre dimension de cet imaginaire. Plusieurs critiques que je n’estime point ont cru perspicace de souligner que l’attirance des Anglais pour le vampirisme était la conséquence de leur puritanisme. C’est évidemment stupide, parce que ce qui importe est le sens du cadre et du paysage, non pas les goules poudrées portant jabots. Il n’est qu’à regarder « Le Bal Des Vampires » du grand cinéaste psycho-batave Roman Polanski, à l’époque superbe Polonais de Los Angeles, pour comprendre qu’au cœur du récit de vampire se tient le Château, et notamment ses abords. Le jour, la neige recouvre un petit cimetière et givre les fenêtres, une paix sinistre plane sur les escaliers et les tourelles. Sur quoi repose l’étrange envoûtement de ces visions ? Je pense qu’elles suggèrent à leurs spectateurs, au-delà de la puissance iconique de la pierre enneigée, l’impossible ensevelissement de l’espèce et son retrait protecteur. De même, The Tigermen munis du talisman de l’orgue du fantôme, à l’abri des corruptions.

 

Plus proche d’actuelles manifestations de l’essence psycho-batave, issu lui aussi de l’imaginaire colonial anglais, il y a le Zombie Haïtien. Pourtant, Dr John n’a jamais eu recours à l’orgue du fantôme, ce qui montre combien son art devait moins à la fascination originelle et abstraite des Anglais qu’au contact plus rugueux avec l’objet en personne. Nous le répétons, afin de jouer l’orgue du fantôme aussi judicieusement que The Werps, il faut accepter d’être livré à l’horreur primitive du colon, et rejeter la connaissance de l’indigène ou du moderne. Deux exemples, encore tirés du cinéma, me semblent nécessaires : le château battu par les flots de « White Zombie », la complainte hagarde et fataliste du musicien dans « Vaudou » qui vient annoncer : « shame and sorrow for the family ». Ce sont là deux motifs dont on identifie sans peine l’ascendance européenne et qui se trouvent réévalués dans le paysage inquiétant de Haïti, deux terreurs anglaises qui se greffent sur la magie propre au lieu.

 

Je parle de lieux mais je n’en oublie pas les personnages, en particulier l’exquis colonel en retraite. Deux génies littéraires ont créé ces personnages, pasteur, docteur, mondaine, héritier, savant, égyptologue, comtesse hongroise, qui eux aussi dansent au son de l’orgue du fantôme : G. K. Chesterton et Agatha Christie. La deuxième, surtout, a achevé la mutation de l’imaginaire colonial en boîte de jeux, devenir logique de ce que l’enfance prompte à l’effroi de Stevenson et de Wilkie Collins offrait sous la forme de récits d’aventure. Le récit à énigme a exacerbé, dans son confinement social-riche, dans ses décors invariables de charmantes campagnes anglaises et de croisières de luxe, le désir de protection à l’œuvre dans le fantastique anglais. Agatha Christie a permis la création du Cluedo, jeu sans autre intérêt que son plateau et ses merveilleux personnages. Hommage à Hercule Poirot, seul détective psycho-batave.

 

Voilà, il me semble avoir suffisamment expliqué la provenance de l’orgue du fantôme et si vous m’avez lu avec talent, vous devriez maintenant mesurer combien l’amateurisme, la rapidité, l’imagination fertile et le goût de la composition nette et fine sont aussi essentiels au surgissement du psycho-batave que l’orgue du fantôme lui-même.

 

 

 

 

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13 mars 2005 7 13 /03 /mars /2005 23:00

             Nouvel extrait des notes du grand Randall Webb.

 

            "J'ai rencontré Dan Penn en 1969 à huit miles de sa ville natale de Vernon, Alabama. Le regard arrogant et les traits tirés par le sel d'un désert, il se trouvait exactement là où je pensais qu'il se trouverait, dans ce rustaud café sis en face de la Corinth Baptist Church. Ce ne fut pas facile de l'aborder, sa mine virile n'encourageant pas l'épanchement. Je profitai d'une seconde de silence dans la chaleur pour me glisser jusqu'au juke-box et y insérer mes dernières pièces. Je choisis "Take me (just as I am)" de Solomon Burke, chanson admirable de Dan Penn qui sut rendre émouvant le gros chanteur-vendeur de pop-corn. Aussitôt la donne était changée : j'existais. Il leva rapidement les yeux sur moi, redressa son chapeau noir et me fit comprendre d'un mouvement des lèvres qu'il m'invitait à sa table.

            "J'ai cessé d'écrire depuis quelques mois." me dit-il sans détours après quelques minutes de conversation. Naïf, je lui demandais si les causes de cette retraite anticipée résidaient dans l'assasinat récent de Martin Luther King. Il me répondit que je ne faisais que déplacer le problème et que je commettais un amalgame entre sa créativité et l'histoire collective, de laquelle il m'avoua faire peu de cas, ce qui m'étonna énormément. Mais Dan, m'empressais-je d'asséner timidement, toi blanc d'âme afro-américaine, toi parangon du raffinement noir, unique rescapé de l'aristocratie sudiste éclairée, comment peux-tu ainsi faire semblant d'ignorer cette faille incommensurable et ses conséquences fatales sur cette musique inestimable que noirs et blancs imaginèrent main dans la main, mus par une commune inspiration céleste?

 

Dan penn (à droite) et des amis

           

              Il ne répondit pas, laissant ses yeux se détourner et se disperser dehors. "Connaissez-vous ce groupe nommé Flying Burrito Brothers?" Bien sûr, dis-je -et tout devint clair, retourné que j'avais été par leur ardente relecture de "The dark end of the street" publiée quelques semaines plus tôt et dont le lyrisme échevelé n'aurait pu échapper à la vigilance de mon coeur. Il comprit que j'avais compris, et eut la délicatesse de n'esquisser qu'un sourire. Nous n'échangeâmes plus un seul mot en dix minutes, dix minutes qui furent des plus intenses de ma vie. Je me souvenais bien sûr, comme si elle était en ce moment même diffusée dans le bar, de la version de James Carr : bouleversante histoire d'amour interdit qui n'explique pas les raisons de cette interdiction, qu'on ne peut par conséquent qu'imputer à la mesquinerie d'un monde trop lent pour la fulgurance de cette dévotion cavalante.

            Je me souvenais alors de mon enfance dans l'Arkansas et combien j'avais aimé de filles si imaginairement voilées, et je comprenais immédiatement la retenue toute baptiste qui, d'une manière ferme et sublime, retenait la chanson de James Carr au sol. Je saisis alors à quel point la reprise de The Flying Burrito Brothers faisait écho, dans mon immense histoire personnelle, à ma première nuit d'ivresse dans le foin et les bras de Martha, cette libération charnelle, d'un blanc d'étoile. J'étais Sterling Hayden, et mon corps voûté était une cabane pour le corps menu et dénudé de Joan Crawford.

            Le groupe de Gram Parsons a détourné la soul sudiste comme Johnny Guitar a perverti le western classique à la Anthony Mann : en l'irriguant d'amour sublime, en lui faisant quitter la posture immobile de l'homme à terre qui admire le ciel pour le mettre sur les rails du romantisme le plus aveugle.

            Et Dan Penn, le gardien des clefs qui ne pensait pas un jour se les faire subtiliser par plus blanc que lui, je l'ai laissé, mutique et impassible, finir son verre puis repartir sans dire au revoir."

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