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8 août 2005 1 08 /08 /août /2005 22:00

Jean Pop 2, Chers amis

 

                L’unité de la personnalité et de la vie de Randall Webb n’apparaît qu’à ceux qui lui ont témoigné suffisamment d’amour et d’admiration pour en saisir la forte ossature. Certes, plusieurs parmi nous ne l’ont fréquenté que durant de brèves périodes, et peu, à la vérité, peuvent s’enorgueillir de l’avoir côtoyé sur de longues périodes. Randall Webb qui, je le répète, a mené une existence parmi les plus cohérentes, une existence dédiée aux plaisirs de la recherche et de l’action Psycho-batave, Randall Webb a toujours pris soin de se défausser de ses compagnons de route, et ceux-ci n’avaient alors pour ressource que de l’observer à distance ou de recueillir le témoignage de nouveaux pèlerins. Ainsi, par un effort de recoupement, peut-on aujourd’hui rassembler en un nœud indémêlable les très nombreuses incurvations et sinuosités de son parcours. J’ai eu le privilège insigne de guider les derniers efforts vers la lumière de notre ami défunt. Vous, Poire, m’avez immédiatement précédé, mais dérouté par ce que vous avez dédaigneusement baptisé « la psychose russe » de Randall Webb, votre intérêt a fléchi dès notre départ de Copenhague. Vous, Jean Pop 2, avez nourri une compréhension exacte de la jeunesse de Randall Webb par le biais le plus illustre, j’entends celui de la littérature. Vous, Sred Sweign, avez connu Randall Webb d’une manière qui reste à déterminer mais qui, vraisemblablement, procède par éclipses ou plutôt éclairs instantanés, en quoi vous avez fait écho à l’une des passions juvéniles majeures de notre ami, celle qu’il vouait avec une intensité qui ne souffrait aucun relâchement à l’œuvre de The What Fours : « Eight Shades Of Brown ». Enfin, notre frère américain, l’officier Boulter Lewis a, lui, assisté et même stimulé Randall Webb entre l’année 1966 et l’année 1971, c’est-à-dire qu’il a été le témoin et le catalyseur de la floraison spirituelle du grand écrivain Psycho-batave. Pour ce qui est de la période 1971/1982, ce que nous nommons la Nuit de Randall Webb, personne hélas ne fait entendre sa voix, sinon celle, qui nous parvient d’outre-tombe, du metteur en scène Marvin Marty, l’auteur de Sad Was The Wine. D’après les Mémoires de Maurizio Benutto et le témoignage de son fils, Maurizio Benutto Jr, Marvin Marty et Randall Webb, pourtant jamais en présence l’un de l’autre, songeaient souvent, du moins en ce qui regarde Marvin Marty, à ce que l’autre pouvait faire, penser et aimer. Les storyboards et le scénario manuscrit de Wine Killing ! sont émaillés de références cryptiques à Randall Webb. De même, un article de 1973 de Randall Webb, paru dans une revue du Montana sur la chasse à l’ours, mentionne Keep The Wine Alive. Tous ces hommes, aussi divers soient-ils, riches ou pauvres, Américains ou non, seront bientôt égaux, quand leur histoire aura fui de la mémoire de l’humanité. Or nous pensons ici que l’œuvre de Randall Webb, promise à une reconnaissance mondiale et dont la révélation affectera le cours des événements, modifiera la perception générale que nous avons du temps et de l’esprit, cette œuvre assurera notre salut, à nous qui en avons chanté les louanges et en avons, pour une part seulement, saisi le développement et le sens.

 

(Randall Webb en 1964)

                Alors n’ayez crainte. Ne pleurez pas celui qui depuis plusieurs décennies a écarté le spectre de la Mort, celui dont la Mort n’a plus voulu et qu’elle ne saurait jamais gagner à sa sinistre cause, parce que Randall Webb dès 1965, par la grâce du fluide Psycho-batave, s’était élevé au-delà de la contingence. Et ne pleurez pas les vies dont aucune puissance ténébreuse ne vous dépouillera dès lors que vous avez reçu la parole sanctificatrice de Randall Webb. Aujourd’hui est fête et je ne souhaite pas voir Jean Pop 2 retirer la gaine de son sceptre, ni Sred Sweign mettre un terme à ses accouplements lacrymaux pendant que je vous console avec l’ultime intuition Psycho-batave de Randall Webb. Car les mots sur lesquels Randall Webb a pris congé de sa somptueuse forme terrestre ne manqueront pas d’atteindre votre cœur : « Land beyond the moon, I’m on my way to you ». Ces vers trouvent leur origine dans une chanson de The Motions. Ce sont ces mots qui ont donc servi de sésame à Randall Webb.  J’ignore quelle place « Land Beyond The Moon » a occupé dans la jeunesse puis dans la vie adulte de Randall Webb. Il est vrai que notre ami s’était fait une spécialité des reniements. Un attachement tôt contracté pour une musique, quelle qu’elle soit, ne conduit généralement qu’à un enfermement dans une religion. Ce n’est qu’ensuite lorsque telle musique ouvre non pas le champ de toutes la musiques mais l’espace d’un genre musical ou d’une époque de création que l’on sait notre goût formé et notre pensée prête à enfanter des pensées de valeur. Alors telle passion précoce pour un groupe anodin qui ne nous enfonce que dans le culte et la morale doit être combattue. Randall Webb n’a probablement découvert que fort tard « Land Beyond The Moon » , assez tard pour que cette chanson constitue un socle à sa réflexion et à son action. Vous l’entendez en ce moment-même qui remplit les voûtes de ce lieu. Sa cadence évoque une charge héroïque vers l’astre de la nuit ou bien le chariot des airs qui virevolte sous la conduite fougueuse du dieu Hélios. Et pourtant c’est aussi bien l’océan, le défi d’une traversée, ou même les chevaux qui se ruent dans le désert brûlant, que l’on perçoit, comme si la logique expansive du thème mélodique niait toute distinction entre les éléments. Ainsi « Land Beyond The Moon » se rue à l’assaut de tous les paysages, parcourt en tous sens les territoires du monde. C’est, si je puis dire, un air de conquête absolue. Mais il est autre chose, que nous ne comprenons qu’aujourd’hui, qui forme le legs de Randall Webb, et que la mort de ce dernier pouvait seule rendre intelligible. « Land Beyond The Moon » ne décrit pas seulement des parcours physiques mais une ascension vers la mort bienheureuse : The Motions, génies ineffables, attestent l’une des vocations primordiales de la philosophie d’après les Anciens, à savoir que la sagesse, l’amour de la sagesse sont une préparation à la mort. Aussi bien l’art témoigne de la perpétuation de la vie et célèbre ce qui existe. Or vous savez tous combien les artistes sont pour la totalité d’entre eux des gens grotesques et infatués. Au contraire de The Motions et de l’ensemble des cohortes Psycho-bataves. Ne pas ressembler aux artistes peut constituer un but valable dans la vie, et Randall Webb préféra toujours la sagesse de The Motions à l’art de lou ride. Cette préférence est la nôtre également. Nous sommes des sages. A bientôt Randall Webb.

 

 

 

 
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