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15 octobre 2008 3 15 /10 /octobre /2008 16:22

            Je n’ai jamais su raconter les histoires. Au contraire de celles de Demetrius, captivant conteur à la limite du monologue carnavalesque, mes paroles sont sèches comme la paille. Je ne sais transmettre que des émotions, et ces coups de sang ne seraient que flaque inerte en moi si je ne pouvais les partager. Je connais Demetrius depuis un an maintenant et je sais notre complémentarité d’ordre presque utilitaire. Il me raconte les histoires que suis chargé de vivre, pour que je puisse aussitôt après les lui confirmer.

            Quand il m’a chargé de ce voyage Californien, je suis certain qu’il avait derrière la tête de me convaincre une fois de plus de l’inanité irréparable de la scène de San Francisco. Tel était son plan : me faire suivre la côte pacifique du sud au nord pour, à mesure que j’approcherai de San Francisco, me dégoûter par contraste et définitivement de cette ville, dans laquelle il n’a jamais posé les pieds. Je n’y ai séjourné qu’une fois, très jeune, autour de ma mère et ignoreux du reste, et j’en gardais une impression de vétusté immobile et l’odeur cuivrée du vent d’octobre, en un angoissant matin sans fin. Mais j’étais déterminé à relever le défi, convaincu qu’il y aura toujours plus à vivre qu’à dire. Je sais que du nord au sud, du fog au désert, des séquoias aux palmiers, des otaries aux pélicans, la Californie est affaire de plusieurs continents, et de nombreux soleils.


 

            Première étape : J’atterris à San Diego, puis retrouve la voiture de location que Demetrius m’avait réservé sous un malicieux nom d’emprunt. Etrangeté : D’où sont tombées ces sept gouttes de pluie sur mon pare-brise ? Jetées par un ciel orange qui les a aussitôt rappelées à lui. A ma droite, à ma gauche, des hommes modérément affairés, que ne distraient pas les avions bas. Les maisons sont tassées comme du chaume et laissent des interstices soufflant poussière qui magnétisent l’œil en un éternuement. Pourtant tout est ouvert à perte de vue et la richesse confortable de ces hommes n’attise que l’imagination.
           
C’est ici que les héros Psycho-Bataves The Hard Times ont laissé mûrir leurs chansons, grappes émeraudes hiératiques sous le soleil figé. Tout dans leurs chansons invoque la quiétude de l’immédiat après-midi, posé sur le sable, constellé d’éclats marins. Je pense parfois en les écoutant, et malgré la richesse de la production, aux Arizoniens The Grodes, libellules inquiètes dans le désert… Mais dans les morceaux de The Hard Times, empreints d’une égale discrétion classique, les midis se succèdent mais n’abîment pas le cours des semaines, et si parfois on meurt, on disparaît sans drame. Le plus troublant morceau du groupe, « Under the sunlight », ne perpétue pas la fatalité des peuples natifs mais dessine une nouvelle page chromée du train, parfois fantôme, de l’existence. Même si les arrangements trahissent des efflorescences plus complexes, on reste loin aussi du baroque mexicain, à l’image de la Fascinante Old Town de San Diego, paisible décor de western qui ne prend pas la peine de dissimuler ses sobres oripeaux.

            C’est également de cette manière qu’il faut envisager l’art de l’étonnant groupe vocal mixte The Deep Six. Ce qui leur permet de se préserver une identité malgré un album essentiellement constitué de reprises, c’est le soleil. Le soleil gourd, orangé pacifique, qui en quelque sorte caramélise les chansons, leur infuse cette saveur de melon et de poivre.

            Ici, ma vue est brouillée, les reflets de ce soleil bonificateur dansent devant mes pupilles dans une horizontalité amnésique.

            Il faut pourtant prendre la route du nord.

 

                                                                                                      le 7 juillet 1967

The Hard Times - Take a look around
The Hard Times - Under the sunlight
The Deep Six - What you wish from the golden fish

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8 septembre 2008 1 08 /09 /septembre /2008 19:34

The Dovers sont indéniablement le plus haut groupe du monde. Il est inutile de revenir sur la carrière lactée de cette entité insaisissable qui continue malgré sa fugacité de météore de faire tourner la planète Psycho-Batave.

Le sommet de leur œuvre, leur quatrième et ultime 45 tours, contient une poignée de secondes qui correspondent également au pic de la musique des années 60 avant la pente : il s’agit du pont de « She’s not just anybody ». Il est entendu que The Dovers incarnent plus que quiconque (davantage même que The Beach Boys, puisqu’on ne peut accoler au groupe de Santa Barbara une sensationnaliste « face sombre ») un été immuable, blanc comme un souvenir de mission californienne. J’ai pourtant toujours vu en « She’s not just anybody », et particulièrement dans le pont de la chanson, l’expérience psychédélique ultime, dans le sens où cette furie aérienne semble portée par le désir de transcender l’évidence de ses propres deux accords, focalisée entièrement sur la force blanche de ces derniers, sans recours ou références au trop haut (le mysticisme ravageur des années qui suivront) ou au trop bas (les drogues, l’hindouisme palissades roses de Soho). L’ardeur à l’oeuvre dans ce pont est jumelle de celle  avec laquelle certains peintres de la Renaissance violaient de l’œil et ruaient de la main les voûtes oratoires, comme pour finalement les percer. Elle suggère l’ultime tentative, forcément vouée à un échec extatique dans un matin inconnu, d’habiter la grâce.

Que faire après une telle ascension, pour ne pas redescendre ? Déconstruire en plein vol, vouer ses restes à la chute, et c’est ce que font The Dovers avec le break spectaculaire qui clôt ce moment impossible.



Habiter la grâce, certains contemporains de The Dovers le firent presque, mais de manière certainement plus inconsciente, instinctive, adolescente que ces derniers. Parmi les nombreux candidats à l’intronisation Psycho-Batave, retenons principalement The Road Runners, par ailleurs labelmates des Dovers (sur Miramar), qui firent de Fresno l’autre Santa Barbara en 1965-1966.

L’écoute des huit titres studio enregistrés par ce groupe provoque presque l’hébétude du premier choc frontal avec l’œuvre intégrale de The  Dovers. Certes, The Road Runners s’inscrivent davantage dans une tradition garage à proprement parler, héritée du Northwest sound ; ils possèdent presque le tranchant et l’attitude des hordes amidonnées post-Raiders, comme le soulignent la pugnacité joviale de « Goodbye », la sécheresse mélodramatique de « I’ll make it up to you » ou la sur-nervosité presque inquiétante de « Pretty me » (dont la couleur différente s’explique par le fait qu’elle est écrite par le batteur, alors que toutes les autres chansons sont l’œuvre du génial poupin Randy Hall, bassiste-chanteur de l’évidence, comme ses illustres aînés Anglais Paul et Reg), mais ils sont dotés d’une grâce qu’on a envie d’expliquer par un facile « inexplicable », et laisser la théorie du génie d’une époque, additionné à la sensibilité sauvageonne d’une individualité pourtant dans la norme, régler le problème. Contentons-nous de dire, remué encore par la délicatesse suprême de « Tell her you love her » (qu’on a presque peur d’abîmer en mentionnant, comme les songes qu’un arrêt en gare suffit à dissiper), que ce groupe de nuances superbes, de chatoyances discrètes est finalement le groupe parfait, celui qui ne pouvait pas survivre à 1966.

 

1969 continue de bruiner en 1971, et j’ai survécu. Je suis quand même revenu à Santa Monica. Ma mère continue d’épousseter sans fin des dentelles ridées, alors qu’on peut entendre des rumeurs pornographiques, là-haut dans la Valley. D’infâmes brutes anglaises viennent propager leur barbarie sur le Sunset Strip et le responsable de la plus belle chanson de l’année n’a même plus la force de finir son verre avant de rentrer dans la nuit claudicante.

Et pourtant je reviens sans cesse à cette chanson de John Phillips, qu’il a écrite pour honorer la fin d’un contrat, et je la réécoute convulsivement jusqu’à ne plus discerner les notes, à en oublier le titre, et elle est pour moi comme du pétrole qui charrie olfactivement des lambeaux d’enfance. Alors je pense au visage séraphin de Randy Hall, et me demande si je le retrouverai un jour au bas de la pente, pièce de monnaie fondue dans le macadam.


The Road Runners - Goodbye

The Road Runners - I'll make it up to you

The Road Runners - Tell her you love her

The Road Runners - Pretty me

John Phillips - Step out
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12 juin 2008 4 12 /06 /juin /2008 10:44

Il faut se faire un devoir de rabaisser Randy Newman., sa rigueur maussade, son refus obstiné d’adopter la courbe, ses réflexes d’auteur-compositeur–interprète au service de l’orthodoxie la plus dénuée de texture, de timbre, de souffle, de retentissement.. Opposons ce songwriter du rictus au velouté littéral de Paul Williams.

Inutile de s’appesantir sur la carrière exemplaire de facilité de ce dernier. Bornons-nous à rappeler que ce natif du Nebraska rejoignit la babel californienne à la mort de son père et qu’il entretint avec largesse la pop versant baroque puis domestique avec Holy Mackerel et en solo, que sa collaboration avec Roger Nichols est une plage couverte d’aigues-marines (et que là où le cœur continuera d’insulter les minutes, continuera de résonner « We’ve only just begun », promesse perdue dans le jour blanc), qu’avant d’être le superbe A&R man tranquille qu’il est aujourd’hui, il a joué chez Brian De Palma et dans de nombreux succès de télévision. C’est à l’orée de cette success story, qu’il a composé « Trust », le chef d’œuvre de Peppermint Trolley Co.


Ce groupe de Redlands, CA, peut-être parce qu’il ne connut ni un parcours accidenté, ni l’ébouriffante gloire de certains, fut qualifié de groupe de tout le monde. Il sert de spécimen aux  tenants officiels de l’histoire du rock pour désigner « le groupe moyen » de la fin des années 60, « plutôt doué mais sans génie », « comme on en produisait à la pelle dans ces années-là » et finalement « plutôt commercial », tout en restant « à l’ombre de Sergeant Pepper » (rétrospectivement le moins bon album des Beatles pour sûr). Ces jugements reflètent les dégâts qu’a causé le mensonge européen de l’auteur. Peppermint Trolley Co., ainsi que la myriade de baladins à jabots estampillés 1967-1969 (Every Mother’s Son, Appletree Theatre, New Wave, Collage, Fargo, Gordian Knot, Hobbits, Mortimer, Orpheus, Sundowners, Teddy & The Pandas, Holy Mackerel eux-mêmes…) illuminèrent intensément l’époque non en idiosyncrasie mais par le génie collectif, en une armée de séraphins. Et c’est dans la munificence de cet anonymat céleste, plutôt que dans une mesquine, chiche, sale histoire de signature que nous projetons notre vouloir aimer. On ne reproche pas à une étoile, une rivière scintillante, la femme obsidienne qui s’y baigne, de ne pas être les auteurs de leur propre beauté.



The Peppermint Trolley Co. - Baby you come rollin' across my mind

The Peppermint Trolley Co. - Trust

The Peppermint Trolley Co. - I've got to be going

Every Mother's Son - Only child

Appletree Theatre - Don't blame it on your wife

Un superbe article sur la préhistoire de Peppermint Trolley Co. ici : Garage Hangover.

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13 décembre 2007 4 13 /12 /décembre /2007 19:54

Il existait en 1965 un groupe majeur nommé The Bad Seeds, à Corpus Christi, Texas. Après s’être épuisé à jouer pour des southerners hostiles dans les minuscules Kingsville, McAllen, Beeville ou Rockdale, le groupe se sépara et leur chanteur, Mike Taylor, enregistra une poignée de titres proprement magiques, accompagné de membres des Zakary Thaks, sous le nom de Michael.

Voici pour le factuel. Maintenant, alors que je découvre, émerveillé, ces quelques faces que je ne soupçonnais pas d’exister en cet automne qu’est la charnière 1966-1967, je mesure la distance qui sépare le chanteur de son premier groupe, parangon du trauma adolescent, mais je saisis bien vite qu’il y a continuité et non rupture. Le trauma en question est ici en passe de devenir adulte, c’est-à-dire non pas de disparaître, mais de se résorber dans une vie qu’on a finalement accepté qu’on nous impose.

Dès les premiers arpèges de guitare de « Gotta make my heart turn away » qui tombent, beaux et tranquilles, comme des flocons sur le paysage miniature d’une boule à neige, on sait qu’on va être à l’abri de la tourmente chez cette chanson. Cet émouvant hiver d’Épinal connaît son climax juste après que Mike Taylor a chuchoté la phrase clef de la chanson : Just one smile from you / will take away the blue from my heart. S’ensuit alors une envolée rêveuse qui pourrait évoquer les sommets de The Dovers à la nuance près qu’on est ici à l’intérieur. Alors que le céleste groupe de Tim Granada évolue dans des hauteurs où la moindre bouffée d’air est pur cristal, le groupe de Michael regarde ce ciel d’une fenêtre embuée, au chaud alors que l’herbe est givrée dehors, avec l’air à moitié endormi et béat de celui qui attend que l’autre moitié vienne frapper à la porte.

            L’autre chanson renversante, « I’m nobody’s man » ajoute à la chaleur de la précédente une sensualité facétieuse dont on ne trouve l’équivalent, toutes proportions gardées, que chez les plus discrets félins de la soul comme Al Green. Alors on comprend la raison de ce sobriquet qui ne consiste qu’en le prénom du chanteur, de surcroît des plus communs qui soit : Michael c’est à la fois l’ami d’enfance qui n’a pas quitté la ville natale, mais c’est aussi le mari de la dernière chance et finalement celui avec qui on construira sa vie, parce qu’il faut bien vivre avec quelqu’un, comme à partir d’un certain âge on ne subit plus ces rêves d’une beauté de foudre mais on doit les construire tout en les faisant. Michael c’est ce beau-père tendre qu’on est finalement heureux de voir jouer sur la pelouse avec nos enfants alors que commence à s’estomper le souvenir de leur père qu’on a tant aimé mais qui s’est avéré être un salopard. Michael, derrière ses apparences de square qui s’est à peine plus affirmé, est un guérisseur et nous avons plus que jamais besoin de lui.

Michael - Gotta make my heart turn away

Michael - I'm nobody's man

Michael - People Sec. IV

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2 octobre 2007 2 02 /10 /octobre /2007 07:19

Il existe deux types de déserts : l'un est un exil d'enfance, l'autre est dénué de pancartes publicitaires, parfois même de couleurs.

Celui dépeint par Fargo dans leur étonnant album appartient à la première catégorie. Depuis leur studio de Salt Lake City, le duo électrise un désert de fanfreluche, fardé comme un cowboy flamboyant, où l'on imaginerait volontiers s'agiter et y faire ses tours de revolvers le Kirk Douglas de "Man without a star", infatigable trublion écarquilleur de pupilles. Le désert de Fargo ne l'est finalement pas. Il est intégralement repeuplé par toutes sortes d'attractions qui tendent à l'hétérogène : à partir de références évidentes (le nom du groupe forcément couvert de la poussière des pistes, l'inévitable féérie des guitares Byrdsiennes, les harmonies en pétales pour accompagner la mort du feu) s'accumulent des strates de sophistication Mc Cartneyennes, des réverbérations de parking aérien, des crachins de notes pailletées, toute une atmosphère de friandise bon marché qui loin d'étouffer l'intérêt des morceaux l'anime, l'amplifie, jusqu'au déversement lyrique ininterrompu d'un "Talks we used to have" gonflé d'enthousiasme solaire.

A l'avalanche de motifs chez Fargo répond la rectitude horizontale de New Dawn. Originaire de l'Oregon, désert vert dressé contre l'océan, ce groupe, à l'opposé de la tonitruance du groupe de l'Utah, s'attache à représenter un désert privé de pittoresque, comme le sont les westerns de Monte Hellman au regard de ceux de ses contemporains italiens. Contemporains aussi d'un autre désert, musical, nommé 1970, New Dawn ont la tête de leur musique : élégants, mais tristes, avec quelque chose de dignement terne dans leur mise. Leur musique est réduite à l'essentiel vital, et si parfois un tambourin ou des handclaps sonnent à l'oreille, c'est moins pour suggérer la présence insidieuse du crotale que pour maintenir la chanson d'aplomb, la faire malgré tout poursuivre sa quête vers l'horizon blanc. Car dans ce fascinant désert total, on peut lire en braille un poème sur la solitude et son pic, l'amour. Comme le personnage de "The Shooting" incarné par Warren Oates qui finira par tirer sur son propre double dans les dunes, New Dawn reproduit l'éternelle métaphore de l'amour, ce besoin qu'on a d'être submergé par des vagues qu'on veut d'ailleurs mais qui ne sont que les nôtres.

 

Fargo - Round about a way of describing our situation

Fargo - Talks we used to have

Fargo - Cross with no name

New Dawn - Billy come lately

New Dawn - Last mornin'

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21 juin 2007 4 21 /06 /juin /2007 18:04

L’Ohio ne laisse pas indifférent au sein de la rédaction. Certains le honnissent comme l’état qui représenterait le moyen, le lac d’eau tiède, « le ventre mou du Psycho-batave » pour reprendre l’expression de Demetrius Jackson. D’autres confessent la fascination que leur inspire ce lieu privé de faciès, écrasé de grisaille. Il s’agira pour nous, comme le juré devant la plaidoirie, de comprendre, davantage que de réagir.

Nous laisserons à notre collaborateur Uder Mermouch le soin de dresser la psycho-géographie de l’Ohio ; nous nous chargeons pour le moment de révéler cet inédit de Randall Webb, composé durant l’hiver 1970.

 

            « J’ai posé les pieds à Akron, puis j’ai traversé Cleveland en voiture dimanche après-midi. L’air était humide et la chaussée semblait se tasser sous les roues. Je me suis souvenu de la violence, pendant les années où il y avait de la musique, avec laquelle Demetrius et moi rejetions en pavé les productions émanant de l’Ohio, la superbe un peu vaine avec laquelle nous contournions la fausse bonne humeur de The Outsiders ou The Choir, l’amateurisme trop peu bouleversant de The Alarm Clocks ou The Rats, la maigreur d’inspiration de The Human Beinz, dont la carrière exclusivement constellée de reprises était loin de nous inspirer autant de fauverie écumante que celle des lanciers The Chants R&B.

Toutes ces formations incapables de fraîcheur étaient cause que Demetrius avait baptisé l’état « le ventre mou du Psycho-Batave ». Aujourd’hui, je peux revenir sur cette proclamation sans appel, pour défendre la production musicale de l’Ohio non pour sa grandeur, mais pour la radicalité de son salissement, qui me semble maintenant la marque non d’un « milieu », mais d’une flaccidité unique et, somme toute, troublante.

Je dois dire que cette révision me fut d’abord inspirée par l’écoute du « I’ll leave you cryin’ » du Us Too Group, il y a quelques mois. Datant de février 1967, cet enregistrement pourrait presque autant provenir de la létale 1969, tant il porte sur lui la chapelure de poussière de ces années tardives et poussives. D’une tristesse insondable, cette chanson n’en est pas pour autant émouvante. Elle insuffle une morosité lente, donne l’impression de passer une nuit dans une gare, découpé par les néons.

C’en était bien assez en tout cas pour relancer mon intérêt pour cet état longtemps laissé à la porte. Ma première constatation fut qu’on n’applique aucun visage à l’Ohio. Lorsqu’on évoque les formations du cru, nulle particularité, même vestimentaire ou d’attitude, encore moins ethnique, ne vient titiller le devant ou l’arrière des yeux. Aucune vision de lascivité lagunaire ou de hipsterisme de bitume californien ; absente, la mise impeccable des Underdogs de Detroit, lorgnants vers le lamé Motown ; hors des mémoires, le colossal guitariste Texan de The Bad Seeds, ainsi que la mâchoire ferme de leurs voisins Sparkles. Même des scènes moins documentées mais tout aussi primordiales convoquent des images dont reste privé l’Ohio : il suffit de penser à la chemise de lin blanc des Arizoniens The Grodes, qui illuminèrent d’insectes inquiets le désert lourd.

Pas d’image, peu d’innocence et une absence troublante d’originalité : voilà ce qu’inspire l’Ohio, cette anti-chambre de l’Illinois. Pas de culture, ni d’intelligence, peu d’humour également, et ce des deux côtés du spectre : On ne sera pas étonné qu’un des morceaux les plus brutaux et littéraux du rock garage (« I know » de Shepherd’s Heard) provienne de Mansfield OH. Ce morceau sans génie, débauche d’énergie malsaine, ne suggère pas une fascination d’ordre intellectuel telle que peuvent en développer des compagnons de cauchemar comme le doublé ultime d’Adrian Lloyd ou le « Hey freak » de The Swamp Rats. En face, du côté tendre du spectre, c’est le même manque de références, de perspective, de profondeur ; témoin le « She » de The Fortels, au titre si peu éloquent, sommet inversé de Psycho-Batave Lavette, mais surtout sa face B, « Merry-go-round » où l’effondrement ne semble plus contextualiser la chanson, mais en être le cœur même. Que dire alors du « Georgiana » de The Bare Facts (nom d’une réalité glaçante, geôlier mutique prévenant toute tentative d’évasion), soufflé d’un timbre millénaire par un chanteur certainement adolescent ? C’est un fait : la musique de l’Ohio provoque l’ennui, mais non pas le bâillement distingué émis du balcon ; non, elle distille l’humiliation diurne, le désir d’oubli du sommeil, bercé de murmures toxiques, et c’est certainement à ce rideau de fer mental qu’aspirent les faussaires de It’s Them, dont le vol onomastique fait écho à la torsion qu’ils infligent à « Gloria » avec leur plombé « Baby I still want your loving ».

Voilà ce que m’inspire cet état pourrissant, qui ne semble attendre que le moment où il sera ruine assumée. Et comme les histoires les plus morbides possèdent leur part d’astre, il est une exception qui se dégage miraculeusement de cette envoûtante boue : c’est le « Land beyond the moon » de The Motions, hymne ravageur à la sagesse que je veux joué à mon enterrement. Loin de toutes ces Clevelands bâties sur le modèle de la souffrance.

Us Too Group - I'll leave you crying

Bare Facts - Geogiana

Fortels - Merry-go-round

It's Them - Baby I still want your loving

The Motions - Land beyond the moon

 

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15 septembre 2006 5 15 /09 /septembre /2006 18:54

Notes de Randall Webb, probablement écrites fin 1966 :

 

Nouvelle entrevue avec Demetrius. Il est habillé de pied en cap, comme sur le départ. « Je lis toujours les chaussures aux pieds et la fenêtre ouverte, en cas d’urgence » m’a-t-il dit un jour. J’ai apporté quelques disques, il me fait écouter les siens, les mêmes chansons très jeunes auxquels il m’a accoutumé, où il est question de retours terribles, de forêts et de princes veufs. C’est mon tour. J’avance mes trouvailles, au sommet desquelles trône le victorieux It’s time de The Guess Who, dont il n’a curieusement jamais entendu parler. Nous écoutons l’album, et face à mon enthousiasme, il ne présente qu’un sourire contrit. Puis quand arrive le robuste « Gonna search », il s’écrie : « Que voulez-vous que je fasse de ça ? Mon vieux, vous êtes prêt pour le rock dur ! ».

                                               

Je ne peux en vouloir à Demetrius pour ce jugement approximatif. C’est moi qui était dans l’erreur, vouloir confronter l’art hypertrophique de The Guess Who aux aspirations anémiques de mon ami du Wisconsin, lui qui, de son hiver aujourd’hui lointain, ne trouve son soleil que dans les failles. Peu après, dans l’immobilité de la maison maternelle, je songeais à ce face-à-face, et je passais alors la nuit à gigoter le problème dans tous les sens. C’est trempé de sueur, face au visage carré de Walter Huston imprimé sur le plafond concave que je me réveillais tout à fait, en proie à de résonnantes interrogations.

Pourquoi, si les groupes canadiens fouettent le sang, ne le glacent-ils jamais ? Loin d’être anesthésiants, leurs morceaux aspirent cependant à une certaine transparence, une absence de double-fond. Ils sont donnés tel quel avec un bon sens vigoureux. Rien à voir cependant avec l’art pour l’art du New York baroque, ce dernier étant abondamment référentiel, supportant alors les niveaux de lecture.

Chez The Guess Who, tout respire le bon fonctionnement d’une machine lancée à plein régime. Même dans les moments les plus sauvages, rien de trouble, aucune « face cachée » pour satisfaire les appétits obscènes des pédés progressifs. Le hurlement au début de « Gonna search » n’est pas folie ou désespoir mais mise en branle du moteur de cette formidable cylindrée, c’est très précisément le tigre dans le moteur.

La solide constitution de The Guess Who se retrouve chez la très large majorité de leurs compatriotes, l’autre groupe exemplaire étant The Great Scots, dont chacun des morceaux ressemble à une déclinaison haltérophile de leurs contemporains Anglais.

Même les groupes les plus verts ont des fondations solides : ainsi The Ugly Ducklings, qui malgré leur délicate disposition électro-acoustique font preuve de la rigueur de ceux qui ont grandi au centre du blizzard, ou A passing Fancy, dont le titre éponyme si proche du Psycho-batave lavette déçoit presque en ne dévoilant jamais la moindre fêlure.

                                   

Cette saine vigueur n’est pas seulement imputable à la production, puisque des pays similairement riches tels que l’Angleterre (plus torve ou efféminée) ou l’Australie (plus impatiente et brûlante) se distinguent de l’esprit Canadien, l’un par le muscle, l’autre par le sang.

Dans les moments les plus dissonants et agressifs, comme lors du « Been burnt » de Luke & The Apostles, la bataille reste littérale. Les groupes Canadiens pratiquent l’attaque frontale, celle, massive, de l’ours blanc. Leur force reste interne et centrifuge, ils n’attendent pas la victoire de l’extérieur et des éléments, contrairement au crocodile australien.

Après ces réflexions je ne peux comprendre le jugement de Demetrius. Il a insulté la santé : écouterait-il l’infâme lou reed ? Je ne poserai plus les pieds chez lui. »

 

Note de Jeanpop2 : Randall Webb a oublié de mentionner les moins caractéristiques The Painted Ship. Cependant rien n’indique qu’il connaissait le groupe à cette époque. Saluons encore notre visionnaire ami, qui allait voir sa théorie validée par l’éclosion de Crazy Horse quelques années plus tard.

 

            The Guess Who - Gonna search

          The Great Scots - The light hurts my eyes

          The Ugly Ducklings - That's just the thought I had in my mind

          A Passing Fancy - A passing fancy

          Luke & The Apostles - Been burnt

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2 août 2006 3 02 /08 /août /2006 18:59

Notes de Randall Webb, datées du 15 juillet 1968.

 

« The Spiders.

            Demetrius m’a prêté leurs quatre premiers albums. Nous étions chez lui, j’avais les pieds sous la couverture que son arrière-grand-mère avait cousu 63 ans auparavant. Je venais de lui demander ce qu’il ferait s’il devenait sourd du jour au lendemain. Il me répondit qu’il regarderait en boucle les films muets de Frank Borzage. Puis je ne me souviens plus comment The Spiders sont entrés dans la conversation, alors que des dos de livres flambaient dans l’ombre.

            Demetrius m’a assuré que le rock japonais présentait plus d’une similitude avec l’italien. Même accointance avec la variété, même tendance au sentimentalisme, y compris et surtout pour contrebalancer les moments les plus sauvages. Un moment de bienséance rituel après le coup de sang.

            Mais les Japonais usent d’une manière différente, beaucoup plus précaire. Les italiens, plus sûrs d’eux, hâbleurs, incontestablement hommes dès l’âge que les autres vivent tendre, jouent du rhythm & blues viril, certes mû par certaines inflexions de gondolier vénitien (à l’image du « L’ho vista stasera » de Luis Cataldo), par un lyrisme emprunté fortement régional, mais finalement homogène. L’hétérogénéité caractérise au plus haut point les productions japonaises, à tel point qu’on est tenté de dire qu’elles sont menacés par deux contraires : l’ordre et le désordre. Au travail sonore d’un professionnalisme d’une méticulosité exacerbée, parfois étouffante, presque comique, répondent une sauvagerie souvent à peine contrôlée et une tendance au bric-à-brac cyclothymique, un goût pour les aspérités qui nous font brutalement passer d’un couplet sanguinaire à un refrain en sucre.

                                     

 

L’Italo-américanisme fondamental des japonais est un Italo-américanisme d’enfant, qui est davantage basé sur l’imitation, le mimétisme, qu’en prise directe avec des émotions et des préoccupations d’homme. Sur les albums de The Tempters ou The Carnabeats, on s’ingénie à jouer de la guitare plus vite que ceux qui nous ont poussé à empoigner l’instrument, on s’amuse à tourner tous les boutons et essayer toutes les pédales d’effet. Cette gourmandise d’enfant en rappelle une autre, plus pathologique et inquiétante, celle de Joe Meek. En partant d’un matériau similaire, à savoir des chansons souvent tout juste honnêtes, plutôt anonymes, on arrive pourtant à un résultat très différent du bricolage Meekien chez les groupes japonais, car ceux-ci sont richement produits, et comme gouvernés par des instances rigoureuses et peu portées sur les écarts et les fugues. Ainsi on laisse les enfants jouer librement dans un parc, mais les frontières de celui-ci sont inflexibles.

Je reviens à The Spiders. Force est de constater que ceux-ci sont passés maîtres de la sécheresse tendue, et qu’ils possèdent un sens du détail, toujours au service du groove, digne de The Easybeats ou The Guess Who. Maintenant que je réécoute ces albums chez moi, tard dans la nuit, je suis frappé par ce morceau si étrange, intitulé « Yves ». Fourre-tout ahurissant, qu’on n’oserait pas qualifier de psychédélique tant on est loin ici des drogues et de la barbe. On y trouve pêle-mêle une basse byrdsienne, des lamentations glaciales de bateau-dragon, une belle guitare désespérément martelée, un orgue du fantôme de supermarché. Tous ces éléments hétérogènes habillent une chanson sucre d’orge, telle que n’auraient même pas osé enregistrer les Californiens de The Association, précise et rêveuse à la fois, idéale pour ceux comme moi qui aiment ne pas tout comprendre. Et pourtant « Yves » continuera de nous hanter longtemps après la défaite du soleil. »

The Spiders - Ban ban

The Spiders - Yves

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5 février 2006 7 05 /02 /février /2006 16:39

        Cet article fut commandé à Randall Webb par Larry Esposito Ramirez, puissant businessman Portoricain, propriétaire de nombreux restaurants et clubs de l'East side (notamment le célèbre "Golden Brown"). Cette introduction à la scène chicano de Los Angeles devait être incluse dans une plaquette éducative destinée à être distribuée dans les universités, mais Ramirez, peu satisfait de la contribution de Webb, la fit remplacer par des recettes de cocktail.

        Ce sont les sentiments soudain jumeaux de familiarité et d'exotisme qui m'étreignent lorsque j'écoute la musique dite "Pachuco" produite à l'est de LA par ces gangs hispaniques. Ils jouent ce que toiut le monde joue, mais comme s'ils avaient tout à prouver et personne à qui faire confiance, leurs intentions en avance sur nos impressions.

        Peu de ces groupes sont artistes et leurs motivations sont avant tout non pécuniaires mais de l'ordre de la sociabilité, de la respectabilité.  Ils ne créent pas des formes mais déblaient le sol où construire leur maison, élever leur famille, bâtir l'estrade sur laquelle ils transpireront toutes leurs exhortations à lä fête. Lorsque les Soul-Jers chantent "Gonna be a big man", ils synthétisent non seulement l'ambition et le désir de promotion sociale qui animent tous ces ensembles, mais ils exaltent également une de leurs valeurs primordiales qu'ils comptent bien imposer : le patriarcat, le respect intangible du "Big daddy". Rien de malséant à l'égard des ainés dans cet univers où l'on respecte ce dernier et où on lui obéit de bonne grâce ("Listen to the wise man" des bien-nommés Eastside Kids). Contrairement à ce qui peut se passer ou se rêver dans le New-York blanc contemporain, on ne projette pas d'enlever son amoureuse pour la cacher derrière la nuit. La demande se fera en costume blanc sur le perron de la baraque des parents, au risque de bégayer et de se retrouver, fiévreux, avec trop de mains et pas assez de poches ("I'm in love with your daughter" de Thee Enchantments).

The Blendells

        Rien de salace dans ces fières déclarations, aussi gaillardes soient-elles, pas de ce double-sens un peu systématique auquel nous a habitué le frat-rock potache des blancs éduqués. Et si les sentiments et pulsions se font débordants, l'amour reste dicté et recommandé, certes malicieusement,  par la sagesse ("Listen to the wise man, fall in love with me today").

        On a finalement affaire avec ces Angelenos à une mentalité proche de celle des Italo-Américains, la grande différence étant que ces derniers ont peu à peu investi tous les domaines d'échange humain (business, art, politique) tandis que les Chicanos restent à ce jour prisonniers du Barrio. Il n'est pourtant pas question pour eux de mettre en avant cette marginalité, ni même de la mentionner, comme on n'imagine pas une vedette de Motown se lamenter sur le calvaire enduré par ses aïeux esclaves. Même dans les chansons les plus agressives du lot, aucune complainte de mauvais garçon, enragé d'être né dans la "bad part of town" ; on continuera de feindre la normalité, les épaules hautes et le regard droit.

        Cependant, ces adolescents ont du mal à dissimuler leur difficile background, leurs premiers jours dans la rue froide comme une gifle. N'oublions pas qu'une des stars de cette scène, Frankie "Cannibal" Garcia, doit son surnom au fait qu'il mordait ses adversaires lors des joutes qui l'opposait aux enfants d'en face. Le rythm'n'blues eastside, élevé sur le bitume trempé, étonne par la maturité souvent inquiétante du chant, par le tranchant mercenaire des guitares, toutes caractéristiques présentes dans l'ahurissant  "Jump jive and harmonize" de Thee Midnighters. C'est comme si les ainés avaient quitté la cave, alors que les plus jeunes bloquent les portes pour organiser des combats de coq. Exténués de sourire, ils se débarassent de leurs chemises amidonnées et laissent leurs cicatrices parler pour eux.

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2 janvier 2006 1 02 /01 /janvier /2006 19:31

(Nouvelles notes de Randall Webb, prises en 1971)

« Nous n’avons pas changé de maison depuis vingt ans. Notre univers clos, havre familier, nous ne l’appréhendons cependant pas de la même manière. De l’aube des années 50 à leur résurrection artificielle et nauséeuse au début des seventies, quelque chose s’est évidemment délité. En témoignent ces deux figures du Settlement américain : Slim Whitman et Bruce Johnston. Le premier, que ma mère chante encore quelque part entre la buanderie et un ailleurs évasif, restera pour toujours lié à l’âge d’or de la Homelike song. Le second, muséographe de l’insouciance californienne, figure symbolique du déclin de The Beach Boys (et partant, de la mort), est une borne enlierrée de l’histoire du rêve pavillonnaire américain.

Il convient, sans plus tarder, de distinguer le genre de la Homelike song, d’un autre, californien jusqu’à l’amalgame, celui de Sunrise pop. Les ambitions respectives des exécutants sont des plus disproportionnées : la Sunrise pop cherche les hauteurs, ne s’adresse qu’aux cimes, tandis que la Homelike song, affaire de minutes, aspire à la tranquillité, l’ataraxie, la quiétude domestique. Cette dualité est celle qui différencie la joie, éphémère et intense, du bonheur durable, sans oscillations ni crises. Accepter le bonheur, c’est se préserver de la dépression, mais également renoncer à la joie. Accepter le bonheur n’est pas donné à tous ; il est des vies trouées qui balancent interminablement entre l’extase et le désespoir. C’est celle de Marvin Gaye, oublié de tous dans son van enlisé dans le sable d’Hawaï, souriant aux parois beiges tandis que son ombre se décuple au dehors. C’est celle de Dennis Wilson, seul Beach Boy physiquement incapable de rester à la maison, rejouant toute l’histoire des sentiments humains en quelques minutes de film de cave, dans un jardin moucheté d’étoiles.

Slim Whitman ne fréquente pas ces hauteurs. Il chante pour les ménagères amoureuses du livreur de lait. « Quand je dis bonne journée, je le pense vraiment »

En 1971, Slim Whitman, même pas quinquagénaire, est un souvenir, malgré la bizarrerie de son art qui aurait dû attiser l’intérêt des amateurs de weirdness, ceux-là même qui érigèrent une statue à l’effigie de Joe Meek. Car même si Whitman chante pour la famille, Sa musique contient des consonances féeriques : son yodle sidéral, les longs glissandos de guitare hawaïenne, les bruitages cheap (ronrons de fontaines, vent en boîte), toutes ces inclinaisons quasi-futuristes ne sont pas en contradiction avec le public visé. On est avec ce chanteur incroyable dans le domaine de la magie domestique, que l’on ne comprend que si on se souvient de l’émerveillement éprouvé par les familles d’Amérique devant les premiers congélateurs.

Au début des années 50, la maison n’est pas seulement la fin d’une aventure mais une nouvelle qui commence, en témoigne cet étonnant film « Mr. Blandings Builds His Dream house », dans lequel Cary Grant se contentait, patiemment et en accord avec sa femme, bien sûr généreuse avec les enfants du quartier, de construire une maison, en périphérie de New-York. Film inconcevable à une autre époque.

Au début des années 70, la maison n’est plus un terrain de jeu mais un abri. Elle s’est multipliée par centaines, identiques et confortables, et c’est maintenant l’endroit où on se retire après trop de désert ou de nuits blêmes. C’est le rêve qui se dissout dans la baignoire sale de Cable Hogue. Dans la voix de Bruce Johnston, pour le superbe « Disney Girls », c’est la résignation qui est de mise, mais une résignation assumée, désirée, mûre, finalement heureuse. Bruce Johnston est assis sur du plastique dans son jardin, il a cessé de penser que ses histoires d’amour sont plus belles que celles de ses voisins. Et il savoure d’être enfin, faute de mieux et à défaut du pire, normalement prospère. »

(Vous pouvez écouter un morceau de Slim Whitman dans le module "Top-notch music" en haut de la page)

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