Prolégomènes !
La cause des Bee Gees jusqu'à l'album Odessa (1969) est entendue, celle des Bee Gees post-
Main Course (1975) l'est aussi. Entre ces deux dates, six albums paraissent, qui, sans être dénigrés,
suscitent peu de commentaires. L'historien qui considérera cette somme la jugera à la lumière des
périodes précitées, il examinera le changement graduel de la pop orchestrale, délicatement
psychédélique, des années 1967/1969, en disco échevelé et philadelphien, celui des années
1975/1980. Il notera que les Bee Gees, à l'abandon ou d'une complaisance extrême, ont versé dans
le country-rock et la grande ballade internationale. Et s'il connaît assez l'oeuvre liminaire du groupe, rassemblée dans Spicks And Specks, il avouera que les inspirations américaines populaires, country, soul et gospel notamment, participent autant du son originel des Bee Gees que leur facilité pop et mersey beat. Passée l'imbécile accusation d'opportunisme, il ne pourra envisager la furie disco qu'en termes de révélation rythmique, reçue dans l'album Mr Natural (1974), et fera grand cas du falsetto de Barry Gibb, utilisé pour la première fois sur toute la durée d'une chanson, dans « Jive Talking » (Main Course, 1975 ; à vrai dire, plusieurs chansons de cet album remarquable sont ainsi chantées).
Ce sont là des symptômes, qui présentent de l'intérêt, mais dont on déplore qu'ils limitent l'évolution d'une musique à ses progressions techniques, quand, sur un autre plan, qui pourrait être l'invention d'un climat spécifique, ou mieux, d'un coeur nouveau, la musique des Bee Gees relève d'une continuité émotionnelle indéniable. De fait, nulle crise dans cette oeuvre, nulle paresse, nul conformisme, mais un usage très acceptable des formes dominantes d'une époque, acceptable en ce sens que dès 1965, les Bee Gees avaient composé dans tous les registres, célébré l'Amérique ancienne ou son double fantasmé, autorisant à l'avance, pour les années futures, tous les emprunts imaginables. Pourvu que la mode les y invitât, les Bee Gees ne pouvaient donc contraindre leur goût naturel pour la country et la Philly soul.
Odessa (1969) représente bien un premier seuil. Nous ne discuterons pas des vertus de ce
disque magnifique, sa pompe, son ingéniosité, sa perfection orchestrale, ses triomphes mélodiques,
sont aujourd'hui largement connus et fêtés. Nous comprenons néanmoins pourquoi Odessa est entré dans le canon Pédé Progressif, au même titre que Smile des Beach Boys, Forever Changes de Love ou Odyssey And Oracle des Zombies. Pour des histoires de rupture, de maladie, d'obscurité imméritée, de destin brisé, de raffinement jaloux : le cortège des névroses. Mais également, le prestige de la boursouflure, indice d'un tempérament excessif, qui le place au-delà du goût, l'amène à frayer sur cette fine crête séparant le sublime du grotesque, et dont le Pédé Progressif a fait un critère absolu.
Main Course (1975) représente le second seuil. Le glacis des sonorités, la science
métronomique experte des rythmes, les saxophones vicieux, et la pugnacité châtrée des vocalises
font système. Main Course lance la conquête du monde ; les Bee Gees ont poli un superbe objet,
infernal, professionnel, méticuleux, et pour la première fois, malgré une masse orchestrale
comparable à celle des disques précédents, rien n'est outrancier mais tout est artillé. Ce disque-là,
difficilement aimable, digne toutefois d'admiration, a ses laudateurs, aussi nombreux que ceux
d'Odessa, mais il n'est pas propice au culte. Ceux qui l'aiment n'ont ni la langue pendue, ni la gorge
étouffée de sanglots, ni d'inclinations morbides, encore moins de réflexes sectaires ou de
pudibonderies qui veulent qu'on leur pince la fesse. Ceux qui aiment Main Course possèdent un bon équipement stéréo et n'en rougissent pas.
Vade mecum !
1. Maurice et Barry Gibb enregistrent Cucumber Castle en 1970. Par bien des aspects,
il s'agit d'une coda à l'album qui le précède, Odessa. Grand luxe et grande larme,
esprit de Noël, solennité du sentiment amoureux, font la substance de la plupart des
chansons. De manière plus profonde, les Bee Gees peaufinent leur sens du chromo
grâce à une production spacieuse, Nashvilienne, et un choix de formes très
classiques, pour l'essentiel la rengaine européenne et la country des familles. Dans
les deux cas, cette musique est destinée au couple qui danse parmi la foule d'un bal.
Quelque chose d'à la fois majestueux et démocratique, comme l'Amérique des
années 1940, prend lentement et sûrement le pas sur les petites manies excentriques
de l'Angleterre. Cucumber Castle est donc à la fois un recueil de chansons
sophistiquées, comme l'étaient les albums antérieurs, et le premier album à vocation
internationale de ses auteurs. A cet effet, il comporte une scie idiote, aux couplets
irréprochables : « I.O.I.O », l'alter-ego du « Cecilia » de Paul Simon, et quantité de
ballades vigoureuses, dont on confond les titres avec plaisir : « Don't Forget To
Remember », « Turning Tide », « Sweetheart », « Lord »... Nous extrayons
cependant de ce fonds trois moments particuliers qui, pour ne pas être conçus trop
strictement d'après le patron des autres chansons de l'album, nous émeuvent et nous
font poser la main sur l'épaule d'un ami : « I Lay Down And Die », son ambitieuse
cascade rythmique, son tournis de manège excité par les maracas, l'écho olympien de
son piano, un tel maelström tissant une référence occulte aux Beach Boys en crise de
l'année 1967, « Bury Me Down The River » indistinctement soul, gospel et country,
opérant ainsi la meilleure synthèse du fantasme sudiste des Bee Gees, un Sud qui
doit plus à Margaret Mitchell qu'à William Faulkner, ce qui, si l'on est honnête,
témoigne d'une audace inouïe, enfin « My Thing », anomalie sunshine jazzy pop
planante, aux arrangements parcimonieux et surgissant par touches aléatoires, qui
relève d'un affect ancien chez les Bee Gees, mais toujours tenu à la lisière de leur
art : l'évasion gratuite.
2. Two Years On, paru en 1971, est plus enjoué et moins romantique que son
prédécesseur. L'album ne compte qu'un chiffre restreint de pleureries. Or chacune
trouve son expédient, de la chevauchée automnale, grosse de regrets, de « The First
Mistake I've Ever Made » au dénudé et aquatique « I'm Weeping », sans oublier le
volontaire « Alone Again » et, en guise de paroxysme pleureur, « Man For All
Seasons ». L'album comporte en outre deux groupes distincts de chansons, les unes,
plus rock mais hélas plus anodines dont on extraira néanmoins le froid, customisé et
FM « Back Home », les autres, mêlant les aspirations, dotées d'un authentique
souffle romanesque, et qui sont objectivement les meilleures réussites du disque :
« Two Years On », « Portrait Of Louise » et « Lonely Days ». Belle somme, nulle
avancée : Two Years On est un disque de réconciliation. Si les Gibb pleurent pour des
femmes, les étreintes de leurs retrouvailles sont moins humides. Sages, les frères
aiment mieux s'inquiéter de la santé de chacun. Aussi chaque chanson de Two Years
On doit leur prouver que leur séparation ne les a pas affaiblis. « Nous n'avons pas
molli », auraient entonné les trois phrères s'ils avaient été Vanilla Fudge.
3. Trafalgar (1971) est un chef-d'oeuvre. Pourtant, considérées une par une, les
chansons qui le composent apparaissent sans conteste inférieures à celles de To
Whom It May Concern (1972) et de Mr Natural (1974). En termes de recueil, il s'agit
même de l'album le moins satisfaisant des Bee Gees. Nous avouons avec peine que
quelques titres vont jusqu'à provoquer chez nous une certaine exaspération. Or là
opère une magie particulière aux albums minutieusement pensés, et Trafalgar puise
son incroyable force d'ensemble de ce qui le lèse dans les détails : la monotonie.
Monotonie d'une suite de mélopées noyées de violons, jouées sur un tempo
immuable et sensuel, chantées avec tout le pathétique dont les frères Gibb sont
riches. Trafalgar est en un sens l'album de la guerre, où certaines batailles sont
remportées, d'autres perdues, mais qui sait combien les défaites et succès individuels
à la fois concourent au grand dessein de la victoire finale et lui sont tout autant
incommensurables, et cela, parce qu'une musique plus belle que celle qui fut
enregistrée est jouée au-delà des chansons elles-mêmes, une musique aussi secrète
que le double fond d'un tiroir, aussi envoûtante que l'aura de la sainteté. Des
journalistes ont invoqué un style « faux grandeur » pour qualifier Trafalgar, mais la
grandeur - politique, militaire, historique- recherche l'approbation de l'univers, alors
que Trafalgar n'est soucieux que d'un commerce intime, et sa récompense est le
baiser d'une seule femme. On se gardera néanmoins d'y lire un renoncement au style
international perfectionné dans Cucumber Castle : il est une manière d'adresser sa
musique à tous en ne parlant qu'à chacun en privé, ou en se parlant à soi-même, à un
autre phrère (voir à ce sujet comment les frères Gibb, au milieu d'un groupe
d'étrangers, créent aussitôt un climat de recueillement timide, auquel chacun est
sensible).Et la floraison d'arrangements moelleux et scintillants n'enlève rien à ce
caractère d'intimité, puisque l'amour des Bee Gees, par essence, dresse des palais,
bâtit des églises et arme des navires -pour une intimité moins spectaculaire, plus
conforme au sens commun, il faudra se référer au sous-estimé Life In A Tin Can
(1973). S'il est un pouvoir propre à Trafalgar, celui-ci ne tient pas à la somme des
parties qui le composent, mais davantage à un esprit qui le nimbe. Or cet esprit, afin
qu'on en suppose l'influence, pouvait-il seulement rayonner si aucune chanson n'en
dessinait la figure ? Bref, Trafalgar fascinerait moins s'il ne comptait -quand
même !- une poignée de chansons merveilleuses. Celles-ci le semblent d'autant
mieux qu'elles forment le premier tiers de l'album : « How Can You Mend A Broken
Heart », « Israel », « The Greatest Man In The World » et « Just The Way ». Ce
quartet de départ, voilà l'idée judicieuse. Il frappe à ce point l'auditeur que celui-ci
poursuit l'écoute du disque dans un enveloppement bénéfique, le rendant presque
sourd aux faiblesses des autres chansons, dont le mérite premier sera dès lors de ne
pas rompre le charme. Le titre inaugural est resté fameux ; nous indiquerons
seulement qu'à l'aune des autres ballades internationales, « How Can You Mend A
Broken Heart » est une épure, qu'il est le moins pompeusement arrangé des hits
pleureurs des Bee Gees, mais que, comme eux tous, sa suite d'accords n'est jamais
forcée. « Israel » voltige délicatement, étoffe son instrumentation, gronde enfin
depuis les cieux : à l'image de Marvin Gaye, dont il est le phrère pâle, Barry Gibb
montre, en l'espace d'une chanson, qu'il possède toutes les voix. « The Greatest Man
In The World » est la pièce la plus sensuelle du lot, mais également la plus candide et
la plus ample. Il n'est pas de meilleure illustration à ce qui était dit plus haut à propos
de l'intimité luxueuse et naturellement profuse des Bee Gees, que cette chanson
admirable. « Just The Way », enfin, interprété par phrère Maurice, au timbre quasi
atonal, offre les caractéristiques de l'élégie : concision, nuance du sentiment, douceur
mélancolique, clarté mélodique. N'attendez pas le Mi majeur qui devrait terminer la
chanson, car celle-ci demeure fidèle à l'incertitude et à l'évanescence du mood
élégiaque. La promesse d'un retour, en même temps que la crainte d'une disparition,
sont idéalement suggérées par cette fin en suspens, et tous, lorsque le Ré majeur est
joué de telle sorte que nous croyons qu'il résonnera pour l'éternité, puis hélas se
volatilise au lieu d'escorter le Mi majeur, tous nous avons vu l'immense brise remuer
le feuillage mais n'emporter avec elle aucune feuille.
4. Disque à la fois stupéfiant et déroutant, To Whom It May Concern (1972) constitue
un authentique herbier pour la musique des Bee Gees. Les Gibb néanmoins estiment
peu un album dans lequel, malgré des prouesses d'écriture et d'arrangements, ils
semblent ne tracer aucune voie dans le futur, ni privilégier la stabilité de l'ensemble.
Recueil bariolé, et d'une qualité constante, To Whom It May Concern doit être perçu
comme la synthèse nostalgique de temps anciens et plus récents. Two Years On l'était
peut-être aussi mais à un moindre degré : son éclectisme excluait en effet un certain
goût du bizarre auquel les trois premiers albums avaient donné libre cours. D'où la
joie archéologique du connoisseur qui frémit à l'écoute du menuet « I Held A
Party » (and nobody came ! Merveilleux !) et de sa somptueuse coda dans le style
Hammer/Psychédélique Celte-Grégorien, et qui applaudit à l'épopée farfelue et
inintelligible « Paper Mache, Cabbages & Kings », au cours de laquelle les Bee
Gees, le temps d'un pont interrogateur, donnent une leçon de planant à leurs
contemporains. « Sweet Song Of Summer », conclusion de l'album, surpasse en
étrangeté ces deux chansons : elle développe et amplifie, au point de la faire paraître
monstrueuse, une caractéristique si remarquable du style vocal des Bee Gees, qui
nous les signale aussitôt, et qu'on pourrait qualifier de choeur-mantra. « You Know
It's For You » participe à sa manière à l'excentricité générale quoique sa mélodie ne
soit guère mémorable et sa tonalité résolument inoffensive. Toutefois, enrubannée de
flûtes et de piano électrique, la chanson relève d'une singulière espèce de soft-rock
dévitalisé et robotique, communiquant une émotion presque similaire à celle
émanant de « All I Wanna Do » des Beach Boys, la profondeur en moins. Enfin, pour
en finir avec les anomalies, citons le boogie épais et ventru de « Bad Bad Dreams »,
très réjouissant dans le contexte. Naturellement, les deux triomphes de To Whom It
May Concern sont discrets, et dans leur manière et dans leur durée (à peine plus de
deux minutes pour chacun) : l'épiphanie gospel « Please Don't Turn Out The Lights »
et surtout l'énamouré « I Can Bring Love », inspiré des romances de Burt Bacharach
et terreau probable de l'infernal « How Deep Is Your Love ». L'album est serti
d'autres délices et on souffrira sans peine la présence d'une unique croûte en avant-dernière
position.
5. Nous en venons au disque le moins compris de nos héros : Life In A Tin Can (1973).
Nous l'aimons. Ni la compassion ni la défense passionnée de l'enfant retardé ne
justifient l'amour que nous portons au premier disque californien des Bee Gees.
Comme Trafalgar, il est question d'ensemble, mais cette fois les pièces de choix
inaugurales ne garantissent plus notre écoute. Il conviendra alors d'explorer le disque
et d'y débusquer les foyers ardents. Au lieu de la chaleur dispensée dans Trafalgar,
c'est une impression de solitude et de tristesse ténue qui se dégage de l'écoute des
huit petits titres de l'album -qui n'atteint pas trente-trois minutes. L'alerte « Saw A
New Morning », placé en exergue, n'est guère qu'un trompe-l'oeil : en exil, coupés de
leur base britannique, affrontés à la vaste Amérique qu'ils avaient longtemps
fantasmée, les Bee Gees se replient dans la sentimentalité et un dénuement très
relatif en matière de composition. Il faut comprendre que Life In A Tin Can est un
album pudique, que cette pudeur est timidité devant le corps rêvé qu'on approche
enfin. C'est pourquoi le lyrisme semble ici en berne, qu'il est pour une fois moins
vertigineux qu'horizontal, c'est-à-dire recherchant moins l'émotion ivre qui le
perdrait qu'une sorte de diapason qui en assurerait la continuité. Ainsi le bouleversant
« Living In Chicago » fondé sur le ressassement de trois accords, l'absence de
batterie et une puissante vapeur chorale, et qui s'étire jusqu'à cinq minutes : « if
you're living in Chicago, it's your home/If you're living in Chicago, you're alone »,
singulier refrain de l'hébétude et du désarroi. De même, « I Don't Wanna Be The
One », qui peut passer pour une énième complainte lisse, crée autour d'elle un désert
et celui-ci est froid et inhospitalier. Mais toujours, parmi les espaces arides, il existe
un mirage consolateur, figuré ici par le funèbre et luxuriant « My Life Has Been A
Song ». Le titre encore une fois est languissant. Seul l'étoffement mesuré des
arrangements permet de le dramatiser. A vrai dire, les accords de départ sont d'une
telle beauté qu'il aurait été sacrilège de les changer. Robin Gibb, l'oisillon, sanglote
les couplets sévères avec dignité avant que phrère Barry ne s'invite dans le refrain
tout d'abandon et de givre. Les Bee Gees y chantent très directement l'obligation
pour un musicien de ne plus vivre qu'au milieu de sons que son esprit a tôt fait de
transmuer en mélodies. La grâce hivernale de ce refrain évoque la plus soyeuse des
chansons soul et comme dans « Just The Way » de l'album Trafalgar, tout le riche
composé de sensations est voilé dans une indéfinissable songerie. Au plus haut de
leur art, les Bee Gees ne sont ni désarmants de sincérité ni solennels ni même
déchaînés dans leur sentimentalité : ils songent.
6. Mister Natural (1974) ou comment le tocsin fut sonné par les Bee Gees qui
décidèrent, en jouant des épaules et des hanches, d'échanger l'amour contre la
séduction. Ou bien : ceux qui avaient jadis monté un palefroi conduisent à présent un
hors-board. Il y a en effet comme le passage d'un siècle à un autre dans Mister
Natural et pas seulement pour des affaires de registre : les Bee Gees avaient été
courtois, ils sont désormais des entrepreneurs ; le recueillement ou l'emphase n'ont
plus l'innocence qu'on leur avait prêtée, les Bee Gees aguichent avec savoir-faire. Ce
n'est, dans un premier temps, pas un mal puisque Mister Natural jouit d'excellentes
compositions. Le gonflement des biscotos signifie en gros une approche plus
volontaire de la production en même temps que la double adoption de l'idiome
philadelphien : soul clinquante et déréalisée, et du soft-rock californien. Les Bee
Gees utilisent toujours la même masse orchestrale mais celle-ci a changé de nature :
engagement rythmique, retour de la guitare électrique, jeu physique des musiciens.
La ballade elle-même, le talisman des Bee Gees, gagne en sève ce qu'elle perd en pur
romantisme. Symboliquement, « Charade » ouvre l'album et il ne s'agit ni d'une
épopée ni de quoi que ce soit de mouvant, encore moins de quelque chose de plaintif
ou de solitaire. « Charade » est plutôt un chef-d'oeuvre du bain moussant avec
bougies parfumées, relevant de la complicité érotique et du confort zen. Ce qui
constitue évidemment un tournant stylistique dans l'histoire de la musique :
vibraphone très reverbéré, maracas indolentes, violonade à la manière Isaac Hayes,
chant du bout du larynx de Barry Gibb. Les audaces les plus manifestes de l'album
sont cependant l'impatient « Down The Road », uptempo propulsé par le clavinet, et
le torve « Heavy Breathing », tout graisseux de wah wah. Enfin, les yeux
s'écarquillent au surgissement de « Dogs », impeccable bolide pop : les couplets
obéissant au groove blanc de l'homme en jeep, le pré-refrain européen et son pianopunaise,
le refrain Middle Of The Road, et le break ultra-balèze de générique TV. De
quoi célébrer sa renaissance dans l'euphorique gospel « Had A Lot Of Love Last
Night », ou enlacer l'univers dans le galvanisant « Give A Hand, Take A Hand » .
Mais nous commençons de parler un autre langage. Celui du bodybuildé Main
Course (1975). Notre seuil.
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Bee Gees - Portrait of louise
Bee Gees - Bury me down the river
Bee Gees - I held a party
Bee Gees - Living in Chicago
Bee Gees - Dogs